Mission à Gourcy (9)
Dernière journée à Gourcy. Je suis éveillé par le chant du coq et le braiment d’un âne. Il est 6h30 et le ventilo se remet en marche. Le courant vient juste d’être rétabli.
Après le petit déjeuner, composé comme d’habitude d’une tasse de Nescafé, d’un bout de pain et d’un peu de matière grasse (saindoux ou ersatz de margarine ?), Monsieur Ouedraogo vient nous chercher vers huit heures et demie pour une ultime série de rencontres. Un violent déluge nous contraint cependant à attendre un bonne heure dans l’auberge. Nous nous abritons dans une pièce où des membres du personnel se sont installés devant la télé. C’est la retransmission de la 12e étape du Tour de France : Briançon-Dignes les Bains dans le décor majestueux des pré-Alpes. Contraste étonnant entre ces vélos rutilants traversant les pâturages gras et verts et cette nature austère qui nous entoure à Gourcy.
Les Burkinabés semblent particulièrement férus de cyclisme. Dans ce pays où le vélo est probablement le premier et le plus populaire des moyens de transport il était normal que ce soit aussi ici que se crée la première compétition cycliste professionnelle d’Afrique baptisée « le Tour du Faso ». Une compétition née en 1987, se déroulant en une douzaine d’étapes et parcourant bon an mal an, dans la fournaise de novembre, quelques 1300 kilomètres dont bon nombre de tronçons ne sont pas goudronnés. Une véritable galère pour les sportifs occidentaux peu accoutumés à de telles conditions climatiques !
(gourcy, la vieille mosquée)
Nous avons tout d’abord rendez-vous avec le gardien du mausolée du Naaba Yadéga. Sur un promontoire, un peu à l’écart de la ville se trouve une sorte de petite pyramide de construction récente. Elle est sensée abriter les restes du Roi fondateur du Royaume du Yatenga.
L’ homme chargé de surveiller ce lieu sacré est peu bavard et d’apparence sévère. Il me fait comprendre à mi-mots que les photos du lieu ne sont pas spécialement bienvenues. Il faut dire que l’endroit est chargé de mystère voire de "surnaturel" avec lesquels on ne plaisante pas trop ici. A quelques mètres du mausolée se trouve en effet un imposant rocher plat en latérite nommé la « Pierre du Pouvoir ». Si je comprend bien le gardien, tout qui s’assied sur cette pierre en psalmodiant les incantations requises, sera appelé tôt ou tard a exercer des fonctions importantes au sein de sa communauté. Michel et moi sommes exceptionnellement autorisés à nous y asseoir et à formuler un vœu.
(gourcy, le surveillant du mausolée du Naaba Yadéga)
Histoire de se nous rafraîchir un peu la gorge, nous passerons encore un moment à la terrasse du café de la place avec le Maire et ses adjoints après quoi nous nous donnerons un dernier rendez-vous vers 20 heures pour un souper ainsi qu’une soirée culturelle d’adieu.
Dans la cour intérieure du café, une grande table en U a été disposée. La plupart des autorités politiques et ecclésiastiques villageoises ainsi que forces vives locales sont déjà présents.. Plusieurs spectacles ont été prévus pendant toute la durée du repas. Successivement apparaissent des groupes de danseurs, de percussionnistes mais aussi de chanteuses improvisant en moré de longs textes à la gloire des convives…moyennant rétribution préalable. Je bavarde un moment avec une des chevilles ouvrières de cette soirée : un jeune homme engoncé dans un anorak doublé de fourrure et coiffé d’un épais bonnet de laine. Il tremble de tout son corps. Malgré sa crise de paludisme, l’animateur culturel local, m’entretient avec fougue et émotion de sa passion pour le théâtre-action. Il me confie qu’en dépit des immenses obstacles financiers, il consacre tous ses temps libres à l’écriture de scénarios de pièces, de synopsis de films qu’il soumet inlassablement aux notables de la commune en espérant quelque subvention. « Pour l’instant, tout ces projets s’empilent dans un tiroir, me dit-il, mais un jour viendra, j’en suis sûr… »