09 décembre, 2006

Mission à Gourcy (6)

Lundi 11 juillet 2005

Une journée consacrée à la visite des différents services administratifs locaux et à diverses rencontres plus ou moins protocolaires. La première de celles-ci se déroule avec Monsieur Ouedraogo. En fait, je suis chargé de filmer une entrevue, un peu mise en scène faut-il le dire, entre le premier mandataire du village et Michel, l’Echevin représentant officiel de la Commune d’Oupeye. Une séquence qui sera utilisée ultérieurement lors d’une projection destinée à faire connaître aux habitants d’Oupeye la situation socio-économique du Burkina-Faso et plus particulièrement de Gourcy. Parmi les thèmes abordés, je retiens notamment celui que Monsieur Ouedrago consacre à la problématique de l’eau: « Enfant, quand j’étais berger, il suffisait que je creuse un petit trou dans le sol avec mon bâton pour qu’ aussitôt l’eau affleure. Aujourd’hui, il faut creuser des mètres pour accéder au précieux liquide ».
Des pluies de moins en moins abondantes, une nappe phréatique toujours plus profonde qui ont pour conséquence la mort de la plupart des arbres natifs dont les racines ne parviennent plus à atteindre l’ eau. Ce qui entraîne une désertification rapide et l’érosion des terrains.
Des tentatives fructueuses de reboisement sont cependant en cours notamment avec le baobab maraîcher (dont la croissance est très rapide), le neem, dont on utilise le fruit pour fabriquer de l’huile, du savon, des produits cosmétiques ainsi que ses feuilles qui une fois séchées constituent un bon engrais ou encore le jujubier (ou pommier du Sahel). Ce dernier est un arbuste épineux et sarmenteux à usages multiples apprécié pour son fruit, son fourrage et son bois. Le fruit constitue l'intérêt principal de cet arbuste. Il est consommé frais ou séché. Sec, le fruit peut être transformé en farine pour diverses utilisations alimentaires : pâte, gâteaux, boissons, bouillies. Les feuilles sont utilisées pour l'alimentation humaine et animale. Le bois, résistant aux termites, est utilisé pour la fabrication de manches d'outils, de jougs de bœufs. C'est aussi un bon bois de chauffe et du bon charbon de bois. La racine, l'écorce et les feuilles sont utilisées dans diverses préparations médicinales : hémorroïde, diarrhée, vomissement, maux de ventre, plaie… Bref, un véritable arbre à tout faire.
Toujours concernant l’eau, Monsieur Ouedraogo nous apprend encore que sur une population de 22.000 habitants, à peine une centaine de ménages à Gourcy dispose de l’eau courante.
En fin de matinée, une rencontre est prévue avec le chef coutumier du village. Celui-ci, outre ses fonctions de gardien des traditions, est aussi ce qu’il convient d’appeler un chef de guerre.
A ce titre, il occupe une place importante puisque Gourcy est considéré depuis des siècles comme étant un poste avancé et stratégique pour la protection de la capitale du Royaume du Yatenga qui est Ouahigouya (village par lequel nous étions passé deux jours auparavant).
L’habitation du Naba Wobgo (le Roi Eléphant), le nom du chef en question, est en fait une vaste « concession » entourée de murs d’environ 2 mètres de haut construits avec un mélange de terre et de briques. Il s’agit d’une sorte de citadelle rustique dans laquelle on pénètre par un porche très bas. Une fois à l’intérieur de l’enceinte, on découvre un ensemble de greniers circulaires couverts de chaume et une série d’ habitations réservées aux membres de la famille royale. Au centre de cet espace on aperçoit le mortier, un puits et quelques poules. On nous fait accéder à une pièce où, vraisemblablement, le Roi à coutume de recevoir ses hôtes. Cinq ou six hommes, probablement des conseillers, sont déjà présents, assis sur d’épais tapis aux motifs colorés et géométriques. Ils nous saluent et nous font comprendre que le Roi ne vas pas tarder. Nous prenons place sur de petits fauteuils en osier. Devant nous, le trône, en bois noir sculpté, est encore vide. Nous attendons quelques instants dans un silence quasi religieux que seul perturbe le vol des hirondelles traversant la pièce de part en part. Le Roi fait son entrée. C’ est un robuste vieillard aux cheveux blancs, portant la barbe, des lunettes solaires et vêtu une longue tunique immaculée. Il s’aide d’une canne dont le pommeau représente une tête d’aigle sculptée dans un métal doré.
Chacun se lève, se salue puis se présente en ses noms et qualités. La conversation démarre comme d’ habitude par des sujets banals et sans importance, mais assez rapidement le Roi fait état du grand drame que constitue le manque d’eau et nous désigne de la main le puits, tari depuis des lustres. Il enchaînera également sur les problèmes liés à l’absence de structure permettant de ramasser et de traiter les déchets au village.
Plus serein, et dans un registre plus anecdotique, il évoquera encore cette légende qui est à l’origine des 4 royaumes du Burkina Faso. L’histoire antique de cette amazone, fille d’un Roi du Ghana qui ne trouvant pas d’homme assez vaillant et puissant pour elle s’en alla dans la forêt à la recherche de l’homme providentiel. Elle y rencontrera un chasseur avec qui elle aura 4 enfants qui deviendront les 4 Rois du Burkina Faso. Détail piquant, parmi ces 4 fils, celui qui deviendra le Roi du Royaume du Yatenga (ou Royaume du peuple Mossi, où nous nous trouvons actuellement) portera le nom d’Etalon Vigoureux, qui en langue moré se dit…Ouedraogo. Une histoire qui n’est évidemment pas pour déplaire au Maire !
Tout au long de la conversation, chaque phrase de l’autorité est ponctuée des « Mmmmh ! », sonores et graves assénés par les conseillers admiratifs et respectueux envers leur chef.

Après la sieste, je consacre le reste de l’après-midi à une série de balades dans le village armé de mon appareil- photos. Rencontres avec le boulanger, des commerçants et des jeunes artisans avec qui le contact est particulièrement aisé, intéressant et jamais dénué d’humour.



A la terrasse du café du village, un homme d’une cinquantaine d’années me raconte qu’il est tombé il y a quelques temps sur un rapport d’une ONG hollandaise faisant état de l’ espérance de vie à travers le monde. « Evidemment, me dit-il, je cherche immédiatement la rubrique « Burkina – Faso ». Je la trouve et que vois-je dans la colonne réservée aux chiffres ?…un seul mot, à vous glacer le sang : «aucune ». Vous vous rendez compte me dit-il, il n’y a chez nous « aucune » espérance de vie. En somme, vous êtes en train de parler à un authentique miraculé, me dit-il ! Et l’homme d’éclater d’un rire puissant et communicatif….
Nous partagerons ensemble quelques authentiques Guinness jusqu’au couchant, jusqu’à cet instant où le ciel devient cuivré et les paysans reviennent de la campagne sur leur charrette tirées par des ânes dociles.
Dans le café, le garçon a retrouvé une vieille cassette, qui, me dit-il, devrait sans doute me faire plaisir. Et voilà que des diffuseurs s’échappe une voix. Celle de Michel Sardou s’époumonant… "Ne m’appelez plus jamais France".

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Toujours un très beau reportage !
Les photos sont remarquables, en particulier celle du roi. C'est à Gourcy ou à Ouahigouya ? Il y a beaucoup de rois comme celui-là, au Burkina ?

Anonyme a dit…

Selon des sources officieuses burkinabées, il y aurait encore 56 Rois au Burkina Faso.
C'est une info qui est évidemment difficilement vérifiable.Ces Rois n'ont pas d'existence sur un plan strictement juridique, cependant, ils demeurent les "gardiens" des traditions ancestrales et continuent à exercer une grande influence. Ils sont toujours consultés (y compris par les instances officielles) lorsqu'une décision importante doit être prise.