03 décembre, 2006

Mission à Gourcy (5)

Dimanche 10 juillet 2005

Nous nous levons vers 6h30.
A ce moment, la chaleur est encore supportable.
Le déjeuner se résume à un morceau de pain accompagné d’une tasse de café soluble.

Aujourd’hui, le Maire du village a souhaité que nous l’accompagnions à la messe. Une messe un peu particulière, nous a-t-il prévenu, puisque l’officiant principal du jour sera un tout jeune prêtre qui célébrera sa première messe ce matin. Un prêtre qui est par ailleurs natif du village de Gourcy.
Avant de nous mettre en route, le Maire a néanmoins tenu à ce que nous enfilions les vêtements qu’il avait commandé l’avant-veille au tailleur du village. Je vais aussitôt l’essayer dans ma chambre et constate qu’il s’agit d’un beau costume traditionnel en coton imprimé composé d’une large tunique, que l’on enfile par la tête, et d’un ample et léger pantalon, idéal par ces fortes chaleurs. A y regarder de plus près je constate cependant que le motif principal ornant l’ensemble du costume représente une vierge. Par conviction- ou plutôt absence de conviction !-, je m’ emporte un peu et me refuse à arborer ce type de symbole religieux. Sans vouloir cependant offenser notre hôte, je remballe le costume et prétexte qu’il n’est pas à ma taille, qu’il est trop court.
Monsieur Ouedraogo, est à la fois stupéfait et un peu irrité. « Comment se peut-il qu’il ne vous aille pas, j’avais pourtant dit au tailleur que vous aviez exactement le même gabarit qu’ Untel du village…, j’ai l’œil vous savez . Regardez, votre collègue Michel, cela lui va parfaitement bien à lui »
De fait, le costume réalisé -avec le même tissu- pour mon compagnon de voyage est parfaitement ajusté, il est taillé au millimètre près, comme si le tailleur était venu lui prendre les mesures personnellement.

Déçu, Monsieur Ouedrago empoigne aussitôt son GSM et entame une conversation animée en moré avec le tailleur. Je n’y entend rien, mais je suis à près sûr qu’il lui reproche de ne pas avoir fait son travail correctement. Je me sens tout d’un coup très mal à l’aise et regrette amèrement mon refus de porter ces vêtements. Mais c’est trop tard, j’ai l’impression que l’on frôle l’incident diplomatique.

« Voilà, tout est arrangé pour votre costume, s’exclame soudain Monsieur Ouedraogo en rangeant son portable, j’ai demandé au tailleur qu’il en refasse un nouveau dans les plus brefs délais mais, cette fois, il sera un peu plus grand, il n’y aura plus de problème, comptez sur moi, m’annonce, victorieux, le Maire ».

Comme nous nous apprêtons à nous diriger vers sa voiture garée un peu plus loin, une violente averse éclate. Ce ne sont pas des gouttes qui tombent du ciel, mais de véritables torrents.
Parcourir la cinquantaine de mètres qui séparent la pension de la voiture reviendrait à nous jeter dans une piscine. Nous attendons une bonne heure que cela se calme un peu.
Vers 9h30, nous prenons enfin la direction de l’église.

L’édifice ressemble plus à un hangar qu’à un lieu de culte tel qu’on pourrait se l’imaginer. Le bâtiment est très vaste. Lorsque nous pénétrons dans l’église, la messe est évidemment entamée depuis un bon moment. Il doit y avoir entre 1500 et 2000 fidèles en ce moment.
Un responsable du protocole, nous a attendu et nous fraye un chemin à travers la foule jusqu’au banc des notables, tout près de l’autel. Il y a là des gradés de l’armée, des membres de la police et de l’administration, des prêtres, des religieuses mais aussi des représentants de la mosquée locale. Durant l’office, les sermons sont constamment entrecoupés de percussions, de danses et surtout de chants repris a capella par l’ensemble des fidèles. Des mélodies simples, en moré, d’une intensité poignante… même pour le mécréant que je suis. Je ne sais trop si ce sont les bases de l’église qui tremblent…ou mes jambes qui flageolent tellement l’émotion m’étreint. A la fin de la messe, vers 11h30, l’ambiance monte encore d’un cran lorsqu’ un groupe de paroissiens s’est approché de l’autel avec des présents en guise de bienvenue au nouveau prêtre. Parmi les cadeaux, on peut voir des corbeilles de fruits ainsi qu’un arc traditionnel et des flèches.
Soudain, la foule se lève, comme un seul homme, et se lance dans une danse improvisée à laquelle prennent très vite part les prêtres officiant. Les tambours redoublent d’intensité. On atteint des sommets d’émotion lorsque des dizaines de femmes lancent leurs stridents « you-you ». A l’extérieur, comme pour marquer la fin de la cérémonie des pétards éclatent de toutes parts.

La sortie de la messe se déroule alors dans une joyeuse anarchie. C’est une véritable foire où chacun se regroupe en petits clans au gré des affinités. On discute, on plaisante, on commente les derniers évènements de la semaine, on s’extasie devant un nouveau né.
Les couleurs des robes et des costumes sont chatoyantes et ressortent étonnement bien sur cette terre rouge et ce ciel plombé.
A quelques mètres du parvis de l’église, un groupe de femmes s’est assis par terre et s’est mis à chanter en s’accompagnant d’instruments confectionnés avec des calebasses évidées. Un attroupement s’est aussitôt constitué autour d’elles. Certains esquissent quelques pas de danse, d’autres battent des mains et reprennent en chœur des paroles ancestrales et lancinantes.
Un peu à l’écart, cinq ou six jeunes hommes ont entamé quant à eux une belle joute de percussions sur des djembés de fortune.
Les motos pétaradent, les piétons esquivent les flaques et les vélos s’en vont vers d’improbables maquis…La messe est dites, la vie reprend son cours.





Michel et moi, sommes à présent invités au presbytère où un repas a été préparé en l’honneur du nouveau curé de Gourcy. En guise d’apéritif il y des plats de crudités, du whisky Johnny Walker, du Martini et différentes sucreries (Coca et Fanta). S’ensuivent alors les plats de résistance parmi lesquels, du riz vapeur, du gésier de poulet et le fameux tô, plat national burkinabé (un pâté blanchâtre réalisé à base de mil –ou de sorgho ou de maïs pilé) accompagné de sa sauce gluante (préparée avec des feuilles de moringa, de gombo ou de baobab). Des bananes et un genre de cake sont ensuite proposés en guise de dessert, avec toujours pour boissons du Martini, du xérès et même un peu de vin rouge arrivé là par on ne sait quel miracle. Dans un coin de la pièce, les parents du jeune prêtre observent la scène et les convives sans bouger et sans mot dire. Ils regardent avec une grande fierté leur fils à qui les notables du village viennent faire l’accolade.
Lorsque le repas prend fin, vers 13h, Michel et moi décidons de regagner la pension à pied, histoire de digérer un peu puis de faire une petite sieste. En chemin, un homme nous interpelle. Il s’agit du tailleur du village. Il se confond en excuses pour le costume qu’il pense avoir « raté ». J’ ai beau le rassurer et lui dire que ce n’est pas très grave, l’artisan insiste néanmoins et m’assure qu’un nouveau costume sera près dès demain soir.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai éclaté de rire avec l'histoire du costume. C'est trop mignon!!!

Anonyme a dit…

Et pourtant authentique!!!!

Bernard

Anonyme a dit…

Toujours passionnante, cette série de récits burkinabés ! La longueur des billets est idéale, pas trop longue. Les photos sont excellentes.
Elles sont cependant fort grandes, bien plus grandes que la taille de l'écran de mon ordinateur (1024x768 pixels), ce qui oblige à "naviguer" de gauche à droite et de haut en bas pour tout voir : sans doute est-il possible de les redimensionner avant de les poster sur le blog ?
Autre question, s'agit-il de dias ou de négatifs scannés ? ou d'images issues d'un appareil photo numérique ?

Anonyme a dit…

Autre question : je croyais que le Burkina était majoritairement musulman... or ici à Gourcy le catholicisme semble bien implanté.

Anonyme a dit…

Concernant les photos, il s'agit exclusivement de négatifs 24x36 scannés. La taille des photos est un peu grande en effet, je vais tâcher d'y remédier lors des prochains envois.
A propos de la répartition des cultes, les données, d'une source à l'autre, sont fort variables. Cependant on peut dégager une constante à propos du pourcentage de la population de confession musulmane, à savoir 50%. Pour les catholiques, cela va de 10 à 30% et les animistes entre 20 et 40%.
Il est fort possible que le Maire de Gourcy m'aie donné des chiffres un peu "forcés" concernant la pratique catholique étant donné qu'il est un ancien séminariste!
Bien cordialement,

Bernard

Anonyme a dit…

pas si pentouflard que ca ,
quel blog !! avec de superbes photos ...