30 décembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (23)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée d' Ouest en Est de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche....

Dimanche 6 décembre (Sur le Rio Sao Francisco, Brésil)


C’est le bruit des barges que l’on arrime au pousseur qui nous éveille. Il est cinq heures du matin. La lumière est bien pâle et les effluves de la cachaça de la veille ne sont pas encore bien dissipés. J' ai le visage tout boursouflé à cause des piqûres d’insectes.
Par l’entrebâillement de la porte, nous apercevons un homme un peu rondouillard en uniforme donnant ses ordres d’une voix pâteuse à deux jeunes mousses indolents et rigolards.


Pendant ce temps, un membre du personnel va et vient au dessus de nos têtes et nous enjambe en veillant à ne pas nous heurter car Peter et moi sommes toujours couchés à même le sol de la petite cantine.
Sur le bateau, et selon un vieux règlement de la marine locale, les femmes ne peuvent dormir dans la même pièce que les hommes alors Marie-Hélène, à son corps défendant, a d’office été dirigée vers la chambre de Luzmila, la cuisinière.
Paulinho, celui qui s’active ainsi de si bonne heure dans la cantine, est un peu l’homme à tout faire du bateau et est chargé de mille et une tâches comme dresser la table du capitaine, faire les courses pour l’équipage lors des escales, aider la cuisinière mais aussi agiter la cloche à l’heure des repas.


Paulinho sera le premier avec qui nous ferons connaissance et à peu près le seul avec qui nous entretiendrons une relation conviviale à bord. Il sera notre guide sur le bateau pendant les quatre jours que durera ce voyage sur le Sao Francisco, ce fleuve que l’on appelle aussi le Nil du Brésil. Le bassin qu’il draine est en effet plus vaste que la superficie de la France et de la Suisse réunies. On dit encore de ce fleuve qu’il est le deuxième plus important du Brésil, après l’Amazone, avec une longueur totale d’ un peu plus de 3000 kilomètres, même si sa partie navigable ne concerne « qu »’un tronçon d’environ 1300 kilomètres. Tronçon précisément situé entre Pira-Pora, d’où nous venons de démarrer, et la ville de Juazeiro.
Pour notre part, cette équipée fluviale se clôturera un peu avant, au niveau de la petite bourgade d’Ibotirama, d’où part une route en direction de Bahia où nous bifurquerons enfin vers Rio.

En cette première journée de voyage, nous avons commencé par explorer le bateau. Et le tour en a finalement été très vite fait : une cabine de pilotage, la chambre du capitaine, celle des deux mousses, celle de Paulinho, une autre attribuée à la cuisinière, la salle des machines et la petite cantine. Pour le personnel s’occupant des manœuvres de chargement, de l’accostage etc…il n’ y a rien de prévu : les ouvriers sont logés sur le pont, dorment à la belle étoile dans des hamacs et mangent sur des tas de cordages.
Le convoi est très lent. Peut-être 10 à 12 kilomètres à l’heure. Et encore, nous naviguons à vide et dans le sens du courant. J’imagine la vitesse lorsque le bateau fera chemin inverse chargé de sa cargaison de gypse.


Côté paysage, celui-ci ne s’est pas beaucoup modifié depuis notre départ et nous nous rendons compte que la croisière risque fort d’être monotone si nous ne nous trouvons pas une petite activité au cours des 700 kilomètres qu’il reste à parcourir. Marie-Hélène s’est plongée dans la lecture d’un ouvrage de circonstance puisqu’il s’agit de la « Boutique aux miracles » de Jorge Amado, Peter a choisi de se consacrer à la méditation, assis en tailleur des heures durant face à un paysage rigoureusement plat et moi, je remplis ce carnet qui peut-être n’aura d’ autres

vocations que de traîner dans le fond d’un tiroir une fois rentré au pays. Notre humeur est un peu sombre. A l’image des torrents de boue que charrie le fleuve et de ce ciel menaçant. La saison des pluies doit commencer plus tôt dans la région.
Aujourd’hui, la journée avait bien démarré pourtant et l’ensoleillement était parfait. Rapidement de lourds nuages se sont amoncelés et ont fini par se déchirer en début d’après-midi. Ce sont alors des trombes d’eau qui se sont abattues sans retenue pendant des heures et jusqu’à la tombée de la nuit.

Le seul événement rythmant la journée ici semble être cette cloche que fait sonner Paulinho pour nous avertir des repas que nous prenons en compagnie du capitaine. L’homme n’est guère très causant. Ses seules conversations tournent autour de la nourriture et des qualités de cordon bleu de Luzmila, la cuisinière. Avant chaque repas, comme un rituel, il nous indique où se trouvent le sel, le poivre et cette espèce de sauce « tipo inglès » qui accompagne invariablement chaque repas.

Généralement, ceux-ci sont composés de pilons de poulet, d’une sorte de purée à base de farine de manioc, de lentilles ou de fèves. Parfois, une salade de tomates agrémente le tout. En guise de dessert nous sommes tantôt gratifiés d’une curieuse gélatine rouge et translucide au goût de grenadine, tantôt d’une insolite compote de coings.
Pour cette deuxième nuit à bord, Peter et moi partagerons la chambrée des mousses. Marie-Hélène restera quant à elle dans celle de la cuisinière.
Comme il fait particulièrement chaud et moite, je laisse la porte de la chambre entr’ouverte. De ma couchette, j’ aperçois les rives du fleuve et au delà, un espace infini de terres rougeâtres couvert çà et là d’une végétation basse et broussailleuse préfigurant le Sertâo.
Je m’endors en regardant le soleil disparaître derrière ce paysage rugueux.








(Coucher de soleil sur le Rio Sao Francisco)

Lundi 7 décembre.

Au réveil, je suis ruisselant. Mon sac de couchage est trempé et je macère dans un véritable cloaque. Durant la nuit, la pluie a redoublé d’intensité et le vent la chassée vers ma couchette. Mon sac-photo a également été touché et c’est un vrai miracle que mon appareil fonctionne toujours.
Encore une journée pluvieuse. Nous n’avons d’autre choix que de nous réfugier dans le réfectoire. On boit du thé, on mange des biscuits secs et l’on passe le reste temps à jouer aux cartes avec Peter.


Il y a quand même eu un petit événement cet après-midi. Pendant plus d’une heure, le Santa Dorotéa a exécuté une pénible manœuvre pour accoster au milieu de nulle part, juste à côté d’une autre barge faisant apparemment chemin en sens inverse. D’ après Paulinho, cette opération était assez risquée car il n’est pas rare de s’ensabler sur ce tronçon. Lorsque nous lui demandons la raison de cet exercice périlleux, Paulinho nous avoue que le capitaine avait simplement envie d’aller saluer le capitaine de l’autre bateau et de partager avec lui une bouteille de cachaça!!!

Mardi 8 décembre



Cette fois, une halte digne de ce nom a été prévue : Bom Jesus de Lapa. Il y a au moins deux bonnes raisons de s’arrêter ici. Tout d’ abord, c’est un lieu de pèlerinage assez connu dans la région et il est de bon ton pour tout qui passe dans le coin d’aller prier dans la petite chapelle aménagée dans une grotte. La deuxième raison est qu’il y a ici un petit marché bien achalandé et Paulinho ne manquera pas de s’y procurer les vivres nécessaires à la poursuite du voyage. Nous l’aidons à transporter ses achats constitués pour l’essentiel de fruits, d’épices, d’un gros sac de riz, d’un quartier de bœuf et de quelques bouteilles
d’eau-de-vie. Cette parenthèse terrestre clôturée, nous reprendrons notre rythme de vie indolent et un peu monotone à bord du Santa Dorotea jusque demain soir. Au programme : parties de cartes, lecture, écriture et soirée passée à concocter des apéritifs à base de cachaça, de citrons verts et de jus d’orange.

Mercredi 9 décembre en soirée, nous faisons nos adieux à l’équipage. Le bateau nous a déposé sur le ponton du petit port d’ Ibotirama, (la Terre Fleurie en Tupi-Guarani). Une ville comptant une dizaine de millier d’habitants (en 87). Nous sommes à présent dans l’état de Bahia. Nous rejoindrons sa capitale, Salvador, demain dans le courant de la journée. Un trajet en bus long d’environ 650 kilomètres.



(Sur la route d'Ibotirama à Salvador de Bahia)

A titre anecdotique et informatif à l’attention d’ éventuels candidats au voyage sur le Rio San Francisco : La Franave, société ayant le monopole des activités de transport sur le fleuve depuis 1963 est en faillite et a été mise en liquidation en date du 22 janvier 2007 et clôturera définitivement ses activités ce 6 février 2008. Il n’est pas trop tard mais il est grand temps de s’inscrire pour la dernière traversée !!! Infos complémentaires sur le site officiel de la Franave : http://www.franave.com.br/








20 décembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (22)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée d' Ouest en Est de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche....



Lundi 30 novembre (suite), mardi 1er et mercredi 2 décembre –Corumba- Rio de Janeiro - Belo Horizonte-


L’avion pour Rio décolle à midi. Deux escales sont prévues. Une à Campo Grande et l’autre à Sao Paulo. Il fait noir lorsque nous atterrissons à Rio. Nous avons toujours en mémoire notre arrivée à Lima en pleine nuit et la perspective de traverser à nouveau, et à cette heure tardive, une grande ville pour rechercher un hôtel ne nous enthousiasme pas outre mesure. La première vision que nous avons de Rio est celle d’une mégalopole sauvage et bruyante.

Sur l’avenue qui nous conduit vers le centre, un bus vient de nous dépasser. Il n’a plus de vitres et dévale l’artère à tombeau ouvert. A son bord, une bande de joyeux fêtards, sans doute des supporters d’une équipe de foot, passe les bras à l’extérieur et martèlent la carrosserie du véhicule sur un rythme de samba, comme s’il s’agissait d’un immense tambour mobile ! Ambiance !

On ne s’attardera pas ce soir en déambulations touristiques et l’on prendra la première pension venue. La découverte approfondie de Rio sera pour plus tard. Ce mardi, nous passons la journée à téléphoner à la société de navigation (Franave) avec laquelle nous avons projeté de descendre le Sao Francisco à partir du village de Pira Pora. Les informations que nous obtenons sont toutes plus contradictoires les unes que les autres. Selon les uns, une péniche devrait effectivement partir aux environs du 6 décembre, selon les autres, ce départ aurait été annulé. D’autres rumeurs laissent encore supposer que plus aucun voyageur n’ est accepté à bord de ces bateaux de charge. Qu’importe, nous nous accrochons au projet.
Ce mercredi, nous prenons contact avec Monsieur Wollens, un Bruxellois résidant à Rio rencontré à Zaventem le jour de notre départ. Cet ancien commercial chez Agfa-Gevaert nous avait alors proposé son aide, le cas échéant, lorsque nous serions au Brésil.
Nous lui demanderons de bien vouloir garder une partie de nos bagages pendant la durée de notre (hypothétique) « croisière » sur le Sao Francisco. Il accepte fort aimablement et son épouse proposera en outre de nous conduire jusqu’à la gare des bus à partir de laquelle nous nous rendrons dans un premier temps à Belo Horizonte. Au cours du trajet menant au terminal, je commets l’erreur d’ouvrir la vitre sans prévenir Madame Wollens. Celle-ci s’étrangle et m’enjoint de refermer immédiatement cette fenêtre, bien qu’il fasse très chaud. Elle explique qu’une de ses connaissances a été agressée il y a quelques mois à un feu rouge par un voleur particulièrement déterminé : Comme elle n’arrivait à retirer sa bague assez vite au yeux de l’agresseur, celui-ci lui a, ni plus ni moins, coupé le doigt avec son couteau!

Arrivons de nouveau nuitamment à Belo Horizonte, capitale du Minas Gerais et troisième plus grande ville du Brésil. L' endroit n’a apparemment pas l’air engageant mais nous ne devrons guère trop y circuler puisque débusquons une auberge juste face à la gare des bus.





Jeudi 3 décembre –Belo Horizonte – Pira Pora –

Une nouvelle journée passée à téléphoner à la Franave mais nous n’obtenons toujours aucune information fiable. Alea jacta est ! Nous prenons le bus jusque Pira Pora (6 heures de voyage) et nous nous rendons directement au siège de la fameuse société de transport fluvial. Nous n’y rencontrons qu’un employé chargé de l’entretien des bureaux. Celui-ci pense que le patron sera là demain.

Vendredi 4 décembre

(Dans la boutique d'un fabricant de proues à Pira-Pora)

Décidons de faire le siège de la Franave dès l’aube et passons deux bonnes heures à attendre le « boss ». Un responsable de la société finit par arriver et nous confirme le départ d’une péniche le 6 décembre. Il n’y aurait cependant aucune place à bord pour des touristes. Toutefois, l’homme reconnaît que moyennant « discussion », et autorisation spéciale du directeur de la capitainerie, il y aurait peut-être une possibilité. « Revenez en fin d’après-midi, nous y verrons plus clair, tranche enfin le fonctionnaire ».
Vers les 15h, retour au bureau de la Franave. Cette fois, nous sommes accompagnés de Peter, un routard allemand qui depuis plusieurs jours tente également d’obtenir son sésame pour le Sao Francisco.
L’ employé rencontré ce matin se montre cette fois plus enthousiaste. Tout semble débloqué et moyennant une légère rétribution, nous nous voyons enfin autorisés à embarquer sur cette sacrée barge, ce dimanche….à 4 heures du matin.
Nous sortons tous les trois du bureau, heureux comme des gosses et fiers d’avoir fait preuve d’ obstination. La pluie s’est mise à tomber, mais elle a sur nos lèvres comme un petit goût de victoire. Nous décidons d’aller la fêter avec Peter dans un bouiboui en bordure du fleuve et d’aller écluser quelques cachaças à la santé de la FRANAVE et de nos prochaines aventures fluviales.

Samedi 5 décembre

Une bonne partie de la journée est consacrée à l’ achat de produits dont nous devrions avoir besoin sur le bateau : des fruits, des bouteilles d’eau, des films,
du papier-toilette et encore quelques bouteilles de cachaça dont nous sommes devenus de véritables aficionados. C’est un alcool de canne qui, mélangé à du jus de citron vert, produit une délicieuse ivresse…à la nuit tombée !
Le temps de régler la note de l’hôtel et d’écrire quelques cartes à la famille et nous voilà embarquant en début de soirée à bord du Sanra Dorotéa. Le capitaine, prévenu de notre venue, a en effet préféré que nous passions déjà cette nuit à bord de crainte que nous ne puissions nous lever demain aux aurores.
Cette première nuit se révèlera pénible car nous dormons à même le plancher du petit réfectoire. Une pièce située juste au-dessus de la salle des machines dont le ronronnement et les vibrations rendent le sommeil impossible. Le chaleur est accablante et des armées d’insectes grouillent sur le sol. La croisière promet d’être épique !

17 décembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (21)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée d' Ouest en Est de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche....


Samedi 28 novembre (suite). -Pantanal-

Nous arrivons en fin d’après-midi sur le lieu de notre futur campement. Une tente a été installée à l’orée de la forêt non loin de l’habitation d’une famille d’ouvriers agricoles. Ce sont des amis de Catu, notre guide.
La maison est constituée de deux huttes couvertes de branches de cocotiers. L’une d’elles fait office de cuisine et est exclusivement consacrée à la préparation des repas. Un feu y couve en permanence. L’autre hutte est celle où la famille qui nous héberge dort. Le couple à deux enfants mais aussi de nombreux animaux domestiques : deux chiens poussiéreux, un chat, des poules, un petit perroquet et deux jeunes cochons.

Les repas se prendront à l’extérieur, sous le prolongement du toit de la hutte-cuisine. Le soir venu, les ouvriers de la fazenda toute proche viendront se joindre à la tablée.
Pendant ce temps, la radio débite des mélodies méconnaissables et dans les arbres aux alentours, les aras poussent leurs cris rauques et stridents.

Le repas du soir terminé, Catu nous emmène faire le tour du marais situé en contrebas du campement. Armé de sa lampe de poche, il nous indique les jacarés (l’alligator du cru) qui à cette heure tardive sont faciles à repérer (et à approcher). Il suffit de balayer la surface de l’eau au moyen d’un rayon lumineux pour qu’aussitôt apparaissent comme autant de petits projecteurs, les globes oculaires des reptiles émergeant du liquide glauque.
La nuit est saturée de sonorités toutes plus étranges les unes que les autres : clapotis innommables, grésillements d’insectes ailés, gargouillements de volatiles aux noms bizarres….

Le temps est présent venu de dormir. Nous allons regagner la tiédeur accablante de notre tente jusqu’au lendemain.

Manque de bol pour moi : depuis le début du voyage, nous n’avons jamais eu aussi chaud et il faut que soit ici que j’attrape une angine. J’ai la gorge en feu et je tremble de tous mes membres !!!


Dimanche 29 novembre -Pantanal-

Nous sommes debout très tôt (vers 6h30)
Ma fièvre semble avoir diminué et j’en profite pour piquer une petite tête dans la mare aux crocodiles. Il semble ne plus y en avoir à cette heure. De toutes façons, il n’y pas d’autres alternatives pour se débarrasser de la couche de crasse mêlée à la sueur que nous avons accumulée depuis hier.
Nous passons une bonne partie de la journée à sillonner les pistes environnantes dans le pick up de Catu. De nouveau se succèdent avec la même abondance les animaux aperçus la veille : Cabiais, cigognes, toucans, aras, petits cervidés et cette fois, quelques nandous apeurés. Cette espèce de petite autrche est aussi l'emblème du Pantanal.




Nous nous arrêterons plusieurs fois au cours de cette excursion. Notamment pour une petite partie de pêche aux piranhas au moyen d’un procédé rustique mais efficace : Une boîte de conserve (en guise de moulinet) et un gros fil de nylon à l’extrémité duquel se trouve un solide hameçon pourvu d’un morceau de viande faisandée.
Le tout est lesté d’un gros boulon et se jette à une dizaine de mètres au loin.
Il ne faut pas attendre très longtemps pour qu’apparaisse la première prise.
Une belle pièce de couleur or et argent dont les rangées de dents ne laissent aucun doute quant à leur efficacité. Catu arrachera l’hameçon dans un petit craquement cartilagineux et le dangereux poisson carnassier frétillera encore un moment dans l’herbe. Pendant ce temps les enfants du coin s’amuseront à introduire dans la bouche du monstre de petites tiges de bois qui seront aussitôt tranchées net par les dents de l’animal à l’agonie.
Rentrés au campement, nous donnerons un coup de main à Catu pour nettoyer les poissons. Ils seront au menu de ce midi. Leur goût ne laisse pas forte impression, les arêtes par contre, c’est un autre problème…. !
A présent, la chaleur est devenue beaucoup trop intense pour continuer les « observations faunistiques ». Et je crois que Catu a envie de faire la sieste.
Nous en ferons de même et attendrons qu’il fasse un peu meilleur…en suçant des mangues, bercés par les roulis du hamac.
La fièvre me reprend de nouveau.

Lundi 30 novembre -Pantanal-





Nous reprenons le chemin de Corumba dans la matinée tout en nous ménageant quelques haltes ça et là de manière à apprécier une dernière fois ce paysage somptueux.
Arrivés en vue de Corumba, un barrage policier nous contraint à nous arrêter. Nous sommes priés de quitter le véhicule et celui-ci fait l’objet d’une fouille en règle. On ne sait trop ce que les hommes en uniforme recherchent. Peut-être de la drogue ou alors un animal chassé illégalement dans la réserve ? Tout ce que les policiers trouveront, ce sera le porcelet que Catu avait caché vivant sous sa banquette. Un petit animal que notre guide avait prévu d’élever jusqu’aux fêtes ! Les policiers ne seront pas trop tatillons et nous laisserons repartir sans autre forme de procès et avec le porcelet qui cette fois fera le reste du voyage à « visage » découvert.


Passons le reste de la journée à préparer la prochaine étape de ce voyage qui, cette fois, nous fera faire un bond (en avion) jusqu’aux rives du Rio Sao Francisco que nous avons projeté de descendre à bord d’une barge. Nous sommes un peu inquiets car nous apprenons de la société de transport fluvial locale que celle-ci n’accepte plus les voyageurs à bord des bateaux de fret.
Tant pis, nous risquerons le tout pour le tout.....

10 décembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (20)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée d' Ouest en Est de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche....

Mercredi 25 novembre

Importante – mais monotone- étape vers le Brésil ou plus exactement jusque Puerto Suarez, le dernier village bolivien avant la frontière. Ce trajet prend 22 heures. Du moins avec cet omnibus avec lequel nous allons couvrir la distance d’environ 750 kilomètres.
Cette fois, le relief est plat.
La voie ferrée traverse tantôt de vastes plaines marécageuses, tantôt des forêts de type tropical. Il n’y a guère plus d’une vingtaine de voyageurs dans notre voiture, mais nous ouvrons l’œil : cette ligne a mauvaise réputation. On raconte que la région est écumée par des truands passés maîtres dans l’art de glisser de la cocaïne dans les bagages des voyageurs endormis. Drogue aussitôt récupérée par des complices une fois passée la frontière. D’une manière comme d’une autre, ce sont de gros ennuis qui attendent alors les touristes-« passeurs-malgré-eux ». Soit leurs bagages sont dérobés par les trafiquants brésiliens, soit les douaniers découvrent la drogue et c’est alors aux voyageurs innocents de prouver leur bonne foi!
Pour notre part, le trajet se déroulera sans anicroche, si ce n’est que durant de longues heures, une brave dame nous assommera avec ses histoires à dormir debout.
Celle-ci, nous avoue faire régulièrement ce trajet pour rejoindre son ami le lieutenant « X », caserné à Corumba au Brésil, et que plus d’une fois, elle a aperçu dans la nuit de curieuses lumières dans le ciel. Elle est persuadée que cette zone est un lieu de prédilection pour les extraterrestres. D’ailleurs, son ami le Lieutenant lui a confirmé que des dossiers « classés top-secrets » sur le sujet avaient été ouverts et que l’on prenait la question très au sérieux dans la région. A intervalle régulier, la dame s’interrompra d’ailleurs pour pointer le ciel du doigt…..en s’exclamant «Mon Dieu, regardez là-bas cette étrange lueur…. !» Mais à chaque fois nous n’ apercevons que des étoiles –certes très lumineuses- ou parfois de modestes lumignons provenant vraisemblablement de cabanes perdues dans la forêt.

Jeudi 26 novembre


A Puerto Suarez, la voie ferrée s’arrête. Il faut alors parcourir quelques centaines de mètres à pied pour arriver au poste frontière brésilien. Dans la file des voyageurs, un jeune Brésilien -originaire d’Olinda- est tellement ému de retrouver sa terre natale qu’il a sorti sa guitare de son étui et commence à chanter une « saudade » les larmes aux yeux devant des douaniers complètement amorphes et insensibles à cette manifestation de joie.

Une fois les contrôles de routine accomplis, il reste encore un petit trajet à effectuer, toujours à pied, jusqu’à l’arrêt d’où l’on prend le bus jusque la ville de Corumba. C’est au cours de ce trajet que survient un curieux événement. Une bande de cinq ou six jeunes hommes en civil a improvisé un petit barrage sur la route. Ils arrêtent chacun et font comprendre, calmement mais fermement – ils sont armés de battes de base-ball-, que pour pénétrer au Brésil l’on doit s’acquitter d’une taxe d’environ cinq ou six dollars ! Comme je n’ai qu’un billet de dix dollars sur moi je le leur donne mais attend qu’ils me rendent la différence. « Pas la peine, me précise l’un des rançonneurs, c’est très bien comme ça, dégagez à présent !!! »
Ce premier contact avec le Brésil est décidément des plus étranges !

Nous arrivons à Corumba en fin d’après-midi et dénichons une petite pension proprette et bon marché tenue par un couple de Libanais sexagénaires : La pension « Schabib ». Le patron se révélera de surcroît être un masseur hors pair. Comme je lui avais fait part de mon état un peu fiévreux et de violentes douleurs dans le dos (sans doute provoquées par les longues heures passées en train), celui-ci me proposera sans attendre son remède miracle : une énergique séance de manipulation à même la table de la cuisine. Le bonhomme, à première vue, semble fluet mais ses mains sont en acier trempé ! J’entend encore craquer chacune de mes vertèbres !
« Vous savez, me dit le Libanais, c’est courant par ici ce genre de malaise généralisé et le climat chaud et humide de la région n’arrange rien. D’ailleurs, en trente ans d’existence dans ce patelin, ma femme ne s’y pas encore habituée et mes massages sont la seule chose qui la soulage quelque peu ». De fait, dans l’autre bout de la pièce, depuis le début de ma « consultation », Madame Schabib – une pauvre femme presque transparente- n’a cessé de se traîner sans énergie d’un fauteuil à l’autre, et de la chaise au hamac en poussant de désespérants soupirs.

Vendredi 27 novembre.

Journée de repos, balade dans la petite ville, dégustation d’excellents jus de fruits frais (notamment d’ananas) et rencontre de Catu. Un gars du coin qui nous propose de visiter la région à bord de son pick-up. L’idée est séduisante et nous concluons le marché :
Demain, dès 7 heures nous partons avec lui pour trois jours à la découverte du Mato Grosso du Sud et plus particulièrement de la réserve naturelle du Pantanal.

Samedi 28 novembre

Le soleil est à peine levé qu’il fait déjà une chaleur suffocante. Les premières pluies n’arriveront qu’au début du mois de janvier. Cette saison sèche, est d’ailleurs une des meilleures périodes pour observer la vie sauvage de cette vaste zone marécageuse qu’est le Pantanal. Cette région est aussi, dit-on, une des plus importantes du monde quant à la diversité de sa flore et de sa faune. Celles-ci sont fort similaires à celles que l’on peut observer dans le bassin amazonien. Ici, cependant, un paysage plus « ouvert » permet une observation plus aisée qu’en Amazonie où la densité de la végétation rend difficile l’approche de certaines espèces. Dans le Pantanal, on dénombre plus de 600 espèces d’oiseaux dont les plus courantes sont les martins-pêcheurs, les nandous, les hérons, les cigognes (dont certaines variétés mesurent plus de 2 mètres), les perruches, les aras ou encore les toucans. Il y a également plus de 350 variétés de poissons (dont le vorace piranha) et une invraisemblable quantité de mammifères parmi lesquels on trouve différents types de cervidés, l’ocelot, le puma, le tapir ou l’étonnant cabiai (ou capivara) : une variété de cochon d’Inde géante. Il y a aussi les boas et les impressionnants jacarés (l’alligator brésilien). Il est également remarquable de constater que toute cette faune semble vivre en parfaite harmonie avec les activités humaines environnantes telles que les nombreux élevages de bœufs qui parsèment la région et côtoient les animaux sauvages sans trop de frictions apparentes. C’est du moins ce que nous dit Catu, notre guide du jour qui ajoute encore que la chasse est également strictement interdite.
Au bout de quelques heures de piste sablonneuse, nous apercevons déjà d’assez près un belle colonie de « tuïuïu » (cigognes) en train de fouiller la vase. Plus loin, c’est un couple de jacarés qui se prélasse dans les eaux peu profondes des marais, sans même prendre la peine de déguerpir à notre arrivée. Ils ont l’air paisible, mais gare aux imprudents, certains de ces reptiles peuvent mesurer jusqu’à 2 mètres et leurs dents sont de vrais hachoirs.
Dans le lointain nous avons aperçu une bande de cabiais. Ces cochons d’Inde version géante ont la taille d’un bouvier des Flandres ! Cette espèce est assez peureuse. Dès notre approche, les voici qu’ils se mettent à galoper et piquer aussitôt une tête dans les marigots.
Sur le chemin, nous rencontrons la dépouille d’un très long serpent. On les dit non venimeux mais très puissants. Ils sont capables d’étouffer et d’avaler un cabiai entier pour le repas de midi !
A propos de repas, nous voici justement arrivés en vue d’une petite fazenda, où Catu nous convie à partager le repas avec quelques-uns de ses potes éleveurs. En fait, ce sont de véritables cow-boys : Stetson vissés sur le crâne, pistolet, cartouchières en bandoulière, couteau fiché dans la ceinture et larges pantalons de cuir. Nous avions un peu potassé le portugais avant notre départ, mais ici avec ces gens, nous ne comprenons pas un mot de la conversation. C’ est des costauds qui discutent boulot, de troupeaux, de vaches, de réparation de clôtures et qui, entre deux plaisanteries décapsulent leur bouteille de cachaça…avec les dents ! Par trente degrés à l’ombre, ça fait des dégâts. Tiens, il y en a un qui est déjà écroulé dans le hamac.





30 novembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (19)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée d' Ouest en Est de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche....

Samedi 21 novembre (Sucre)

On « mange » du kilomètre….et encore du kilomètre !
La progression vers le Brésil est plus lente et malaisée que prévue. Les transports en commun suivent des horaires fantaisistes voire inexistants. La route est de surcroît dans un état déplorable. C’est d’ailleurs la Bolivie qui, dit-on, dispose en Amérique latine de l’infrastructure routière la plus mauvaise. Il faut dire que le relief tourmenté du pays ne facilite en rien la construction de routes.

L’étape de ce samedi nous conduit de Potosi à Sucre. A vol de condor, cela doit représenter 160 kilomètres. Une distance que le bus parcourra en un peu plus de cinq heures.

Sous son apparence de petite ville provinciale (80.000 hab.-chiffre de 87-), Sucre est pourtant la capitale constitutionnelle de la Bolivie (La Paz étant la capitale économique).

La ville fut fondée par les Espagnols en 1538 et son relatif isolement lui a permis de maintenir jusqu’à ce jour une belle unité architecturale. Une loi récente impose de surcroît aux propriétaires de n’utiliser qu’une seule couleur pour repeindre leur immeuble : « Le blanc colonial » !
La ville est par ailleurs réputée pour son université et ses écoles. De fait, à l’heure de sortie des établissements scolaires, les rues sont grouillantes d’étudiants et d’écoliers qui déboulent en tous sens et de partout à la fois. L’ambiance générale est plutôt jeune, dynamique et joyeuse.

Dimanche 22 novembre (Sucre/Tarabuco)

A une soixantaine de kilomètres de la capitale se trouve le petit village de Tarabuco.
« Une curiosité à ne manquer sous aucun prétexte nous a-t-on dit à l’office du tourisme local ».
De fait, lorsque nous y parvenons après quelques heures de pistes poussiéreuses -passées dans la benne d’un camion archi-bondé-, l’ambiance est des plus singulières.
Si le village en soi, ne présente pas de particularité architecturale remarquable, les habitants, par contre, ont ici maintenu des traditions vestimentaires assez étonnantes. Mais avant de s’imprégner de l’ambiance des lieux et de se perdre dans les allées du marché dominical il faudra d’abord s’acquitter d’une curieuse formalité administrative. A l’entrée du village, un fonctionnaire en uniforme – Il porte le grade de « Chef de transit »- vérifie minutieusement les papiers, les passeports et les bagages de tout qui s’arrête dans la petite entité. C’est inattendu, car nous sommes très loin de toute frontière et que dans aucune autre ville ou village de Bolivie nous n’avons observé un tel dispositif.
Toujours est-il que le fonctionnaire en question, profite de notre passage pour nous taxer de quelques cigarettes. En échange de quoi, je lui demande l’autorisation de tirer son portrait. Ce qu’il accepte de bonne grâce…moyennant quelques cigarettes supplémentaires.

Une fois sur la place où se tient le marché, on est alors plongé dans un univers où le temps paraît s’être arrêté depuis des siècles. Les commerçants et les badauds arborent en effet pour la plupart des tenues traditionnelles qui semblent , pour certains, être les mêmes que celles qu’ont dû voir les premiers conquistadors en arrivant dans la région.
Ici, les hommes, revêtent une sorte de jupe-culotte en coton au dessus de laquelle flotte un ample poncho aux couleurs vives. Leurs chaussures, lorsqu’ils en disposent, se limitent à de rustiques sandales en cuir.
Le plus étonnant cependant réside dans les coiffes de chacun.
Les femmes, généralement, se couvrent la tête d’une sorte de fez orné de médailles ou de piécettes de monnaie. Les hommes, quant à eux, disposent de ce que l’on nomme ici « la montera ». Une sorte de couvre-chef en cuir bouilli ressemblant plus à une élément d’armure qu’à un chapeau. Et pour cause, l’histoire raconte que ces chapeaux sont effet directement inspirés des casques des conquistadors espagnols. La ressemblance est en effet assez frappante !




Sur le marché de Tarabuco:




























Lundi 23 novembre (Sucre)

A part la visite peu enthousiasmante d’un couvent (celui de la Recolleta) et la rencontre fortuite des deux jeunes anglais avec lesquels nous avions « fait » l’ascension du Machu Picchu, peu de chose à signaler, sinon qu’il s’ agira aujourd’hui d’une journée de farniente en attendant le bus qui doit nous mener à Santa Cruz.

Un voyage éprouvant d’une vingtaine d’heures qui nous fera passer de 2800 m d’altitude à environ 400 mètres ; d’ un climat sec (et même frais en soirée) à une région presque tropicale.
Nous ne voyons pas grand chose du paysage et de son évolution au fil des heures, puisqu’une grande partie de ce périple se déroule de nuit. Cependant, à mi-parcours, un violent orage éclate et dans les brefs interstices de lumière conférés par les éclairs , la vue est dantesque : la piste est tortueuse et d’une effrayante étroitesse. A notre gauche : un précipice sans fond. A notre droite : une paroi verticale sur laquelle ruissellent des cataractes d’eau et des torrents de boue.
Cramponné à son volant, le chauffeur à le regard halluciné. Sans doute est-ce dû à la coca que son co-pilote n’arrête pas de lui procurer pour le tenir en éveil.
Dans mon dos, une pauvre vieille marmonne depuis le début de l’orage des incantations en quechua.
L’ambiance est tendue.
Au dessus de la tête du chauffeur, à côté d’une petite reproduction de la Vierge du Candélabre virevoltant en tous sens, un écriteau avertit le voyageur : « Ce n’est pas moi qui conduit, c’est le Seigneur ! ».

Mardi 24 novembre.(Santa Cruz)

Santa Cruz ne présente pas, à première vue, de grand intérêt, si ce n’est qu’il s’agit d’une étape obligée pour se rendre au Brésil. La région entourant cette ville de près de 600.000 habitants (chiffre de 87) est essentiellement dédiée à l’agriculture. Le riz, le coton, les céréales, la canne à sucre, le café y poussent à profusion et engendrent visiblement des profits substantiels. Nous croisons à plusieurs reprises des personnages qui, vraisemblablement, doivent être des patrons d’exploitations agricoles. Ceux-ci transportent dans la rue, presqu’ avec ostentation, d’imposantes liasses de billets de banque qu’ils vont sans doute déposer en banque. Un grand nombre de ces fermiers sont des mennonites d’origine nord-américaine ou canadienne. Ils sont presque tous vêtus de la même manière avec la salopette en jeans bleu impeccablement repassée, la chemise à carreaux -sans doute amidonnée- et un grand chapeau de paille pour compléter la tenue. Ils ont la peau blanche, leurs cheveux blonds sont coupés courts et leurs yeux sont bleus. Dans la multitude des passants boliviens à la peau tannée, ils ne passent pas vraiment inapperçus!