30 novembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (19)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée d' Ouest en Est de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche....

Samedi 21 novembre (Sucre)

On « mange » du kilomètre….et encore du kilomètre !
La progression vers le Brésil est plus lente et malaisée que prévue. Les transports en commun suivent des horaires fantaisistes voire inexistants. La route est de surcroît dans un état déplorable. C’est d’ailleurs la Bolivie qui, dit-on, dispose en Amérique latine de l’infrastructure routière la plus mauvaise. Il faut dire que le relief tourmenté du pays ne facilite en rien la construction de routes.

L’étape de ce samedi nous conduit de Potosi à Sucre. A vol de condor, cela doit représenter 160 kilomètres. Une distance que le bus parcourra en un peu plus de cinq heures.

Sous son apparence de petite ville provinciale (80.000 hab.-chiffre de 87-), Sucre est pourtant la capitale constitutionnelle de la Bolivie (La Paz étant la capitale économique).

La ville fut fondée par les Espagnols en 1538 et son relatif isolement lui a permis de maintenir jusqu’à ce jour une belle unité architecturale. Une loi récente impose de surcroît aux propriétaires de n’utiliser qu’une seule couleur pour repeindre leur immeuble : « Le blanc colonial » !
La ville est par ailleurs réputée pour son université et ses écoles. De fait, à l’heure de sortie des établissements scolaires, les rues sont grouillantes d’étudiants et d’écoliers qui déboulent en tous sens et de partout à la fois. L’ambiance générale est plutôt jeune, dynamique et joyeuse.

Dimanche 22 novembre (Sucre/Tarabuco)

A une soixantaine de kilomètres de la capitale se trouve le petit village de Tarabuco.
« Une curiosité à ne manquer sous aucun prétexte nous a-t-on dit à l’office du tourisme local ».
De fait, lorsque nous y parvenons après quelques heures de pistes poussiéreuses -passées dans la benne d’un camion archi-bondé-, l’ambiance est des plus singulières.
Si le village en soi, ne présente pas de particularité architecturale remarquable, les habitants, par contre, ont ici maintenu des traditions vestimentaires assez étonnantes. Mais avant de s’imprégner de l’ambiance des lieux et de se perdre dans les allées du marché dominical il faudra d’abord s’acquitter d’une curieuse formalité administrative. A l’entrée du village, un fonctionnaire en uniforme – Il porte le grade de « Chef de transit »- vérifie minutieusement les papiers, les passeports et les bagages de tout qui s’arrête dans la petite entité. C’est inattendu, car nous sommes très loin de toute frontière et que dans aucune autre ville ou village de Bolivie nous n’avons observé un tel dispositif.
Toujours est-il que le fonctionnaire en question, profite de notre passage pour nous taxer de quelques cigarettes. En échange de quoi, je lui demande l’autorisation de tirer son portrait. Ce qu’il accepte de bonne grâce…moyennant quelques cigarettes supplémentaires.

Une fois sur la place où se tient le marché, on est alors plongé dans un univers où le temps paraît s’être arrêté depuis des siècles. Les commerçants et les badauds arborent en effet pour la plupart des tenues traditionnelles qui semblent , pour certains, être les mêmes que celles qu’ont dû voir les premiers conquistadors en arrivant dans la région.
Ici, les hommes, revêtent une sorte de jupe-culotte en coton au dessus de laquelle flotte un ample poncho aux couleurs vives. Leurs chaussures, lorsqu’ils en disposent, se limitent à de rustiques sandales en cuir.
Le plus étonnant cependant réside dans les coiffes de chacun.
Les femmes, généralement, se couvrent la tête d’une sorte de fez orné de médailles ou de piécettes de monnaie. Les hommes, quant à eux, disposent de ce que l’on nomme ici « la montera ». Une sorte de couvre-chef en cuir bouilli ressemblant plus à une élément d’armure qu’à un chapeau. Et pour cause, l’histoire raconte que ces chapeaux sont effet directement inspirés des casques des conquistadors espagnols. La ressemblance est en effet assez frappante !




Sur le marché de Tarabuco:




























Lundi 23 novembre (Sucre)

A part la visite peu enthousiasmante d’un couvent (celui de la Recolleta) et la rencontre fortuite des deux jeunes anglais avec lesquels nous avions « fait » l’ascension du Machu Picchu, peu de chose à signaler, sinon qu’il s’ agira aujourd’hui d’une journée de farniente en attendant le bus qui doit nous mener à Santa Cruz.

Un voyage éprouvant d’une vingtaine d’heures qui nous fera passer de 2800 m d’altitude à environ 400 mètres ; d’ un climat sec (et même frais en soirée) à une région presque tropicale.
Nous ne voyons pas grand chose du paysage et de son évolution au fil des heures, puisqu’une grande partie de ce périple se déroule de nuit. Cependant, à mi-parcours, un violent orage éclate et dans les brefs interstices de lumière conférés par les éclairs , la vue est dantesque : la piste est tortueuse et d’une effrayante étroitesse. A notre gauche : un précipice sans fond. A notre droite : une paroi verticale sur laquelle ruissellent des cataractes d’eau et des torrents de boue.
Cramponné à son volant, le chauffeur à le regard halluciné. Sans doute est-ce dû à la coca que son co-pilote n’arrête pas de lui procurer pour le tenir en éveil.
Dans mon dos, une pauvre vieille marmonne depuis le début de l’orage des incantations en quechua.
L’ambiance est tendue.
Au dessus de la tête du chauffeur, à côté d’une petite reproduction de la Vierge du Candélabre virevoltant en tous sens, un écriteau avertit le voyageur : « Ce n’est pas moi qui conduit, c’est le Seigneur ! ».

Mardi 24 novembre.(Santa Cruz)

Santa Cruz ne présente pas, à première vue, de grand intérêt, si ce n’est qu’il s’agit d’une étape obligée pour se rendre au Brésil. La région entourant cette ville de près de 600.000 habitants (chiffre de 87) est essentiellement dédiée à l’agriculture. Le riz, le coton, les céréales, la canne à sucre, le café y poussent à profusion et engendrent visiblement des profits substantiels. Nous croisons à plusieurs reprises des personnages qui, vraisemblablement, doivent être des patrons d’exploitations agricoles. Ceux-ci transportent dans la rue, presqu’ avec ostentation, d’imposantes liasses de billets de banque qu’ils vont sans doute déposer en banque. Un grand nombre de ces fermiers sont des mennonites d’origine nord-américaine ou canadienne. Ils sont presque tous vêtus de la même manière avec la salopette en jeans bleu impeccablement repassée, la chemise à carreaux -sans doute amidonnée- et un grand chapeau de paille pour compléter la tenue. Ils ont la peau blanche, leurs cheveux blonds sont coupés courts et leurs yeux sont bleus. Dans la multitude des passants boliviens à la peau tannée, ils ne passent pas vraiment inapperçus!

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