09 novembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (16)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée d' Ouest en Est de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche....


Lundi 16 (Copacabana/Bolivie)

Apparition de la pluie.
En même temps que celle de la Vierge de Copacabana.
Aujourd’hui c’est le jour de la procession, mais avant le démarrage du cortège, un curieux rituel se tient sur l’esplanade face à la cathédrale.
Des dizaines de voitures, neuves pour la plupart, sont alignées et reçoivent la bénédiction du curé. Pour faire d’une pierre plusieurs coups, les véhicules ont été harnachés d’objets les plus divers. Ici, de l’argenterie et de la vaisselle ornent le capot d’ un pick-up. Là, des tissages colorés, des poupées et même un jambonneau ont été posés sur la carrosserie. Patients et recueillis, les propriétaires de toutes ces richesses font la file et attendent les gestes protecteurs de l’officiant de service.

Vers midi, le convoi s’ébranle enfin avec à sa tête, la sainte patronne de Bolivie, la vénérée Vierge du Candélabre, l’autre nom de la Vierge de Copacabana.

L’histoire raconte que cette sainte fut sculptée vers le milieu 16e siècle par un certain Francisco Yupanqui, descendant de l’avant-dernier empereur inca Huayna Capac. Une proximité avec la haute noblesse qui a sans doute influencé l’artiste puisque cette vierge est représentée, dit-on, dans les plus beaux atours des princesses incas. Bien que la sculpture que nous voyons défiler aujourd’hui dans les rues soit une copie (l’originale –avec ses parures d’or et d’argent- ne quittant jamais la cathédrale) la ferveur des participants à cette procession est sans égale. Il semble aussi que les dévots viennent de tout le pays et que toutes les classes sociales sont confondues. Les familles en costume traditionnel côtoient les bons bourgeois habillés à l’occidentale et les plus pauvres marchent aux côtés des notables locaux.
Le spectacle est impressionnant de ferveur, de couleurs et de sons ( car une fanfare précède la procession).

Sans trop en mesurer les conséquences, je m’empresse de prendre quelques clichés de l’événement lorsque un strident coup de sifflet retentit. Je n’y prend garde dans un premier temps jusqu’à ce que je me rende compte qu’il s’agit d’un appel qui m’est directement adressé par un carabinier. D’un pas martial, ce dernier, flanqué d’un de ses sbires en arme, s’approche de moi.
« Il va falloir que vous me suiviez au poste, me tance l’homme en uniforme. Je vous observe depuis un moment et je vois que vous êtes en train de photographier des installations officielles ainsi que des carabiniers dans l’exercice de leurs fonctions. C’est tout à fait prohibé en Bolivie ».

Je n’ai pas le choix. Et réitérer le "coup" de la fuite comme la veille ne me semble pas, cette fois, très indiqué. De toutes façons, les deux pandores m’encadrent déjà et me poussent sans trop de ménagement vers leur quartier général situé à l’opposé de la place.

A peine rentré dans le bureau, celui qui paraît être le chef entame une petite mise en scène sans doute destinée à m’impressionner. Il baisse les stores puis sort son arme de service qu’il dépose bien à vue sur le bureau.
Je suis enfin invité à m’asseoir sous l’œil méfiant de son subalterne qui ne me quitte décidément pas d’une semelle.
Je tente alors d’expliquer, qu’en fait, ce que je visais avec mon objectif n’était rien d’autre que la procession et si, par mégarde, j’ai pu photographier l’un ou l’autre policier en faction, ce n’était que fortuit.
« Peut-être, me rétorque l’ officier, mais toujours est-il que vous nous avez bel et bien photographié. Je vais donc être obligé de vous confisquer la pellicule et vous infliger l’amende de rigueur de 30 bolivianos ».

Pour ce qui est de la pellicule, je m’exécute sans tarder.
De toutes façons, ce film venait d’être entamé et à peine deux ou trois photos y figuraient.
Quant à l’amende, je risque le tout pour le tout et tente une négociation. J’ explique au bouillant carabinier que cette somme est extrêmement élevée, et qu’elle nous permettrait de vivre au moins 3 ou 4 jours en Bolivie.
J’essaie également de caresser l’énergumène dans le sens du poil et de faire vibrer sa corde patriotique en lui disant, notamment, que son pays est sans aucun doute le plus beau d’Amérique latine.
Je précise que nous avons économisé de longues années (ce qui est vrai) pour pouvoir le visiter et qu’il ce serait extrêmement triste que nous en gardions le souvenir d’une nation par trop policière.
A ce stade de la discussion, j'apprend que l’amende a déjà diminué de moitié!
Il reste donc l’autre moitié du chemin à parcourir.

J’ ajoute également que, de toutes façons, c’est mon épouse qui détient tout l’argent et qu’il va être très difficile de la retrouver dans la foule tout en lui faisant remarquer qu’elle doit être en ce moment morte d’inquiétude en ne me voyant pas revenir.

Cette fois, il me semble j’ai eu raison du carabinier.

Je sens qu’il en a assez d’entendre le ton plaintif que j’ai adopté depuis le début de l’entretien. C’est alors qu’il se lève brutalement et pointe un index autoritaire vers la porte et me criant : « ¡ Fuera ! » (Dehors !)

Je remercie l’homme servilement et regagne enfin la place, maintenant inondée de soleil.

Je recommence à respirer. Aujourd’hui, c’est décidé, je ne fais plus de photos ! Plus à Copacabana, en tous cas.

De toutes manières, nous quitterons cet après-midi la ville pour La Paz où un minibus va nous déposer en début de soirée. Un trajet grandiose, à travers les hauts-plateaux et les steppes désertiques, ponctué d’un petit passage en barge sur le lac Titicaca.

(En route vers La Paz)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Face à ce racket caractérisé, on peut supposer que même photographier le ciel aurait été considéré comme une acte d'espionnage : photographier l'espace aérien de la Bolivie ! Tu racontes bien, on voyait la scène, tu t'en es bien sorti, finalement.

Anonyme a dit…

Malheureusement ce genre de racket et d'intimididation étaient assez fréquents en Bolivie. Il faut dire que les carabiniers étaient à l' époque très mal payés. Il me semble qu'entretemps la situation s'est sensiblement améliorée. Il y a 2 ans, lorsque nous sommes allés en Bolivie, nous n'avons plus du tout ressenti cette atmosphère "policière" un "peu" corrompue.

Anonyme a dit…

Hola Bernard!

Ayer navegué por tu blog y es increíble! Tantos viajes! Es lo mejor, viajar, verdad?
A André y Jeanine los veo bastante seguido... sobre todo a sus hijos (primos míos).
Les cuento que tuvieron que vender ese campo y luego ya no estarán en ese lugar maravilloso cerca de Tranquilo. Ellos ahora pasan mucho tiempo entre Santiago y Coyhaique... y a Chile Chico van bastante seguido, ya que su hija menor, casada con Mauricio Quercia, mantiene una Hostería en la antigua casa que era de Gabriel de Halleux... Ojalá pudieran volver a ir algún día!
Quería pedirte permiso de publicar este correo que enviaste, con las fotos y un link a tu blog, en el blog de los belgas de chilechico... me parece que puede ser muy interesante para muuucha gente!!!!

Yo soy periodista, casada con un artista. trabajo en televisión haciendo películas históricas, pero además soy fanática de la fotografía.... me gusta mucho. en el blog de fotos que tengo muestro algunas cosas, pero no son las mejores que he hecho.
Ojalá mantengamos contacto.
saludos,
Paola

Paola de Smet d'Olbecke Errázuriz

http://algunafotografia.blogspot.com

Anonyme a dit…

¡Hola Paola!


Yo no sé dondé vives, pero cuando leo tu mail, tengo la impresión de sentir el viento y el aire puro de la Patagonía! Quizas la región del mundo que me dejó las huellas más profundas en mi corazón!

De toda manera, estoy seguro de que volveremos allá dentro de poco tiempo. No sé cuando, pero volveremos!

Recuerdo tambien que por allá, la gente dice que "el que, un dia, ha comido la fruta del calafate, siempre volvera en Patagonía!" Y yo puedo decirte que comí hartas calafates!

Pues, a proposito de publicar cualquier fotos o email en tu blog, no hay problema, hazlo!

Ciao, nos vemos,



Bernard

Anonyme a dit…

Sacré voyage que tu fais ! Bonne continuation !

Anonyme a dit…

Salut Tietie 007,

Merci pour ton commentaire!
Je viens d' aller voir ton blog...insolite, intéressant et... ingénieux.
J' ai vu que "Porqué te vas" te rappelait des souvenirs (!!!). Voici un p'tit lien vers une copine chilienne (Shana Tesh, elle vit à Liège) Une nana sympa qui se réapproprie cette chanson mythtique à sa façon...
Bien cordialement,

Bernard

http://www.youtube.com/watch?v=OJ4V2_wD8xM

Si tu acceptes, je mets un lien de mon blog vers le tien?