29 mai, 2007

Carretera austral (16)

Mardi 6 et mercredi 7 janvier 1998

Une équipée familiale et vélocipédique à travers la Patagonie chilienne

Puerto Bertrand

Deux journées un peu tristes pour nous. Le problème que nous redoutions tant depuis quelques jours est aujourd’hui face à nous. Nous avons retourné la question –et nos poches- dans tous les sens mais il faut se rendre à l’évidence : nous n’avons plus d’argent! A part cette enveloppe dans laquelle nous avons précieusement mis la somme qui nous permettra de reprendre un bus pour remonter vers le nord et... survivre le temps du trajet. Du moins jusque Coyhaique, la seule ville où nous pourrons –peut-être- retirer du liquide dans une agence bancaire. C’est frustrant : nous sommes à peine à une soixantaine de kilomètres de notre but (Cochrane) !
Mais à notre rythme, il aurait peut-être encore fallu 2 jours pour atteindre ce village puis attendre encore un jour ou deux le bus pour accomplir le trajet en sens inverse. Soit quatre jours sans pouvoir se ravitailler et parer à d’éventuelles dépenses imprévues. Comble de malchance, depuis hier soir, Pablo et moi-même souffrons de sérieux problèmes intestinaux !
Nous occupons ces deux journées comme nous pouvons et décidons de nous lancer… dans une grande lessive. Nous allumons un feu et faisons bouillir je ne sais combien de casseroles d’eau, tout d’abord pour nous laver, puis faire la vaisselle et surtout nettoyer nos vêtements à grand renfort de Rinso. "Le fameux détergent miracle que toute bonne ménagère chilienne se doit de posséder". La scène du « bain » en plein-air semble par ailleurs beaucoup amuser les passants qui ne manquent pas de nous observer au passage.
Ces deux après-midi seront enfin consacrées à la pêche, histoire d’améliorer un peu notre ordinaire. Deux après-midi qui se révéleront, sur ce plan, totalement infructueuses.
Mais qu’importe, l’endroit choisi pour passer ces dernières heures patagoniques est somptueux et les rives du Rio Baker se prêtent à merveille à la rêverie, et qui sait , à esquisser un premier bilan de cette aventure. Quant aux poissons, s’ils ne mordent pas, ils sont par contre abondamment présents. Nous nous amusons à les regarder sauter de toutes parts autour de nous. Sans doute pour nous narguer.

Jeudi 8 janvier

Puerto Bertrand-Puerto Tranquilo

Ça y est. Le moment tant redouté est arrivé, nous remisons, la mort dans l'âme et pour la dernière fois notre tente dans sa housse et rangeons le matériel dans les sacs. Les vélos seront ensuite démontés et nous entasserons le tout au bord de la route. Un bus en provenance de Cochrane est annoncé aux alentours de 10h30.
L’auxiliaire médical du village nous a invité à passer un moment chez lui pour que l’attente soit plus agréable. Il nous offre le maté, son divan et …quelques pastilles contre la diarrhée ! C’est finalement vers 15h que le bus fera une entrée triomphale dans le village. Le chauffeur nous explique que des travaux sur la Carretera sont la cause de son retard. Nous embarquons nos bagages et entamons le trajet du retour. Du moins un premier tronçon de 60 kilomètres, jusque Rio Tranquilo. Là-bas nous devrons attendre une hypothétique correspondance jusque Coyhaique puis vers Chaiten où un transbordeur nous ramènera à Puerto Montt, terme de ce voyage. Mais cet itinéraire ainsi que le timing pressenti ne sont jamais que très théoriques.
Aujourd’hui, en dépit de la courte distance à parcourir, notre bus n’atteindra même pas sa destination ! Quelques kilomètres avant Puerto Tranquilo, une canalisation sous-terraine a cédé et des bulldozers ont ouvert la piste sur toute sa largeur pour tenter une réparation. Les ouvriers ne pensent pas pouvoir combler le trou avant 22 ou 23h. Chacun prendra ce petit contretemps avec bonne humeur et poursuivra son chemin à pied jusqu’au village tout en continuant les conversations entamées auparavant dans le bus. Quant à nous, nous ne pensions devoir remonter nos vélos de sitôt !
Arrivés dans la petite bourgade, nous constatons qu’il n’ y a aucun terrain propice à l’établissement d’un campement : les prairies disponibles sont trop près de la route, quant aux berges du lac, elles sont trop accidentées ou caillouteuses que pour y dormir.
Nous négocions avec les patronnes de la pension locale et tentons d’obtenir un rabais pour les trois nuits que nous devrons passer ici en attendant une correspondance. Les aubergistes se montrent finalement conciliantes et nous accordent même une ristourne appréciable pour le repas de ce soir. Il y aura du saumon, de la salade et des pommes-nature au menu !
La chambre qui nous a été proposée est très petite, les carreaux cassés ont été réparés avec de la toile isolante et le papier-peint se décolle par bande entière, mais c’est mieux que rien. Et puis, la vue sur le lac est imprenable.



Vendredi 9 janvier.

Puerto Tranquilo

Cette étape à Puerto Tranquilo aura l’avantage de nous faire découvrir une curiosité géologique plutôt inattendue. A quelques encablures de la rive se dressent une série de petites formations rocheuses appelées « Capillas de Marmol » (Les Chapelles de Marbre). Il s’agit de pitons émergeant du lac que l’érosion a percé de part en part de manière telle qu’une petite embarcation peut les traverser.
Un couple de pensionnés belges en villégiature dans la région va nous inviter à partager la petite excursion qu’ils ont projeté de faire en barque ce matin pour observer ce phénomène de plus près. En discutant avec ces derniers, ils nous apprennent qu’ils sont cousins de la famille de Halleux. Cette fameuse famille belge qui décida de s’installer dans la région, à la fin des années quarante. Une époque au cours de laquelle de vastes concessions de terre étaient offertes par l’état chilien aux plus audacieux, et ce, dans le but de peupler cette région désespérément vierge et inhabitée. Gabriel de Halleux faisait partie de ces audacieux à tenter l'aventure. A 49 ans, il vendra tout ce qu’il possède en Belgique et entraînera dans son sillage son épouse, ses neuf enfants et trois autres familles amies. Les années passeront, les difficultés apparaîtront sans cesse plus insurmontables et les compagnons de Gabriel, les uns après les autres, quitteront ce trou perdu, venteux et sans avenir. Gabriel, sa femme et ses enfants seront les seuls à s’accrocher. Une étonnante saga qui a donné lieu à un intéressant documentaire intitulé « Le rêve de Gabriel » réalisé par Anne Lévy-Morelle.
Aujourd’hui encore, apprenons-nous, une des filles de Halleux habite à quelques kilomètres d’ici et gère avec son mari, Belge également, une exploitation dédiée à l’élevage.
Demain, c’est décidé, nous tenterons de rencontrer les descendants de cette singulière famille !

23 mai, 2007

Carretera austral (15)

Dimanche 4 janvier

Une équipée familiale et vélocipédique en Patagonie chilienne

Puerto Guadal

« Journée découverte » à travers le village. Très vite découvert !
Il y a l' "avenue" principale avec la mairie, quelques rues perpendiculaires et une grande place herbeuse avec, en son centre, le buste d’un honorable militaire du temps jadis. Curieusement son nom n’est même pas indiqué. Ou alors le vent l’a effacé ! Sur cette même place -où sont éparpillés quelques jeux d’enfants- deux paysans viennent de faucher et sont en train de charger l’herbe sur une charrette branlante tirée par des bœufs. Nous pique-niquons là en regardant cette scène bucolique. Pablo, de son côté, s’en ira bien vite essayer les balançoires.
Nous tentons une petite sieste sous la tente. En vain : il fait intenable de chaleur sous la toile cet après-midi. Toujours ces contrastes climatiques imprévisibles !
Nous repartons en balade et sommes attirés cette fois par un café d’où s’échappent quelques bouffées musicales. Un jeune homme, seul client de l’établissement, s’essaie avec plus ou moins de bonheur à l’orgue électronique en chantant comme il peut des rengaines du cru. Nous ne prenons pas la peine de passer commande tant le bruit devient insupportable : dés notre arrivée, le musicien a cru bon d’ augmenter considérablement le volume de son instrument. Sans doute pour impressionner ces trois auditeurs inespérés.
Passons la soirée au Supermercado Plaza. Certes, l’endroit est insolite pour une sortie, mais la propriétaire de cette épicerie, rencontrée quelques heures auparavant, a tenu à ce que nous passions un moment en sa compagnie le soir venu.
A peine arrivés, la maîtresse de maison nous propose de prendre un bain.
Sentirions-nous si mauvais ?
Quoiqu’il en soit, nous déclinons poliment l’offre, mais elle insiste : « Le petit, au moins, ça lui ferait du bien, non ! » Mais Pablo n’a décidément pas envie de se plonger dans une baignoire inconnue ! En désespoir de cause, la dame débouchera une de ses meilleures bouteilles de pisco et nous proposera de regarder son émission télévisée préférée. Il s’agit d’une étrange série américaine narrant les exploits d’une équipe spécialisée dans le sauvetage de personnes prisonnières d’ascenseurs en panne.
Tout au long de l’épisode, la patronne de la supérette fera l’aller retour entre le salon et le magasin pour servir les clients. « Depuis la mort de mon mari, je ne ferme plus le magasin que lorsque je vais dormir, ça me fait une occupation, explique-elle »
A chaque retour de la boutique, elle nous demande cependant de lui faire un petit résumé de ce qu’il vient de se passer.
Je finis par me demander si ce n’est pas la raison pour laquelle elle a souhaité que nous passions la soirée ensemble! Il y a bien sa fille, d’une trentaine d’années, qui regarde aussi l'émission, mais celle-ci semble être frappée d’une sorte de mutisme morbide. Elle a un regard halluciné, et, à intervalles réguliers, éclate d’un rire rauque un peu effrayant puis retombe aussitôt dans une troublante léthargie. Peut-être les effets d’une exposition trop prolongée au vent et…la solitude australe.
Nous regagnons notre tente une fois le film terminé. Une nouvelle tempête approche et la pluie commence à ruisseler autour de notre campement. A travers la fenêtre de son bureau, le carabinier de service nous fait un signe amical et nous souhaite une bonne nuit. Sans doute une forme d’humour local, très second degré. Cette nuit encore, nous avons l’ impression que la tente va se décomposer tant les rafales sont violentes.


Dimanche 5 janvier

Puerto Guadal – Puerto Bertrand.

Une trentaine de kilomètres pas trop difficiles. La température s’est de nouveau adoucie et de très larges éclaircies inaugurent ce début de journée. Journée également « historique » pour Pablo, qui a décidé, comme un seul homme, qu’il abandonnait définitivement le biberon et qu’il boirait dorénavant comme nous, dans une tasse !
Nous démarrons assez tard (à midi !) pour arriver à Puerto Bertrand vers 17h30. Une précision qui a son importance car dans la plupart de ces villages isolés, et du Sud profond en particulier, les seuls commerces dignes de ce nom sont des « Emaza » (Empresa de Abastecimiento para las Zonas Aisladas ou « Entreprise de Ravitaillement pour les Zones Isolées »). Il s’agit de magasins d’état dont le gérant est un fonctionnaire payé au mois et non pas en fonction des ventes. Une initiative très sociale et inattendue compte tenu du climat pour le moins libéral en vigueur dans ce Chili à peine dépêtré (?) de l’emprise pinochetiste.
Comme n’importe quelle « antenne » officielle et partout au Chili, les magasins de cette « chaîne » sont donc aussi tenu de respecter le même horaire et en l’occurrence, de rester ouvert jusque 18h. Pas de chance : l’ « Emaza » de Puerto Guadal est, pour des raisons qui nous échappent, le seul à fermer une demi-heure plutôt. Avec pour conséquences, que nous allons nous retrouver sans nourriture pour le repas de ce soir.
Nous parvenons néanmoins à nous procurer le strict nécessaire dans une petite hôtellerie. Juste en face de celle-ci, un petit terrain, en bordure du lac Bertrand, accueillera idéalement notre campement. Il y a un robinet, une feuillée rustique et du bois sec en suffisance pour le feu du soir. Enfin, tout cela est gratuit. Du moins pour l’instant. Le comité de quartier, propriétaire de ce terrain, compte demander une petite compensation financière aux touristes de passage dès l’année prochaine. Pour ce qui est du village proprement dit, Puerto Bertrand évoque certains lieux du Canada comme ces minuscules bourgades toute en bois, assoupies à l’orée d’un lac .
L’ambiance y est apaisante.
Un calme à peine troublé par le clapotis des vaguelettes et les conversations feutrées de petits groupes d’hommes revenant de la pêche. Au loin, un couple d’amoureux s’embrasse, appuyé contre une barque. Nous percevons à peine la mélodie que diffuse leur transistor posé dans les galets.

17 mai, 2007

Carretera austral (14)

Vendredi 2 janvier 1998

Une équipée familiale et vélocipédique à travers la patagonie chilienne

Chile Chico – Fachinal

Etape éprouvante. Nous sortons de Chile Chico par un semblant de piste empierrée et pentue. Pour ne pas changer, le vent est toujours de la partie. Nous allons parcourir 6 kilomètres en 2 heures. Nous renonçons et préférons nous abriter un moment derrière un rocher jusqu’à ce qu’une camionnette nous charge pour une vingtaine de kilomètres. Là, le véhicule doit quitter la piste principale et bifurque vers la droite pour se rendre à la « Mina Guanaco », un gisement d’or et d’argent d’où, selon notre chauffeur, l’on extrait quelques 1500 tonnes de minerais par jour. C’est probablement à cette mine qu’était destinée la cargaison de dynamite avec laquelle nous avons voyagé dans le transbordeur quelques jours auparavant.
A peine le chauffeur de la camionnette nous a-t-il laissé que deux jeunes femmes surgissent des fourrés. Hirsutes et dépenaillées.
Ce sont deux auto-stoppeuses hollandaises « en planque » qui, ayant entendu un véhicule s’arrêter, pensaient avoir enfin trouver le « lift » providentiel. Dépitées, les deux filles d’Utrecht nous disent avoir été déposées ici la veille et que depuis, absolument rien n’est passé sur la route, ni dans un sens, ni dans l’autre! Elle viennent de passer la nuit, cachées dans les buissons.
Il faut bien reconnaître que cette piste est effectivement en dehors des sentiers battus. Elle constitue, à cet endroit, une « petite » variante de la Carretera austral qui, elle, serpente au Nord du lac Général Carrera.
La voie « Sud » que nous avons choisie, à l’instar des Hollandaises, est par contre réputée pour être plus sauvage tout en permettant de longer de près ce lac fabuleux et de garder constamment un œil sur ce dernier.
Bref, c’est plus dur, mais c’est plus beau !
Nous passons un moment avec les auto-stoppeuses et mettrons en commun nos réserves de nourriture pour le pique-nique de midi.
Peu enthousiastes à l’idée d’attendre le reste de la journée un hypothétique véhicule, nous décidons, malgré le vent et l’état épouvantable de cette piste, de nous remettre en selle et faisons nos adieux aux deux Hollandaises.
Arrivons à Fachinal en fin d’après-midi.
Complètement fourbus.
Lorsque nous sommes en vue de l’endroit, nous constatons que ce village se résume, en tout et pour tout, à quatre ou cinq maisons, des pâtures et un genre de ferme, et encore, elle est dans un état de délabrement avancé.
C’est curieux comme les cartes de géographie peuvent être trompeuses. En effet, sur la nôtre, Fachinal était représenté par un point assez gras. Nous pensions, qu’à l’image d’autres villages de ce gabarit, nous aurions au moins rencontré un minimum d’ « infrastructures »… un petit magasin ou un de ces drugstores de western où l’on trouve côte à côte du fil de fer, des boîtes de conserves, de la bière, des fers à cheval, des bidons de pétrole….. Non, ici, il n’y a rien de rien. On écoute le vent, c’est tout.
Nous nous dirigeons vers la ferme et demandons à un petit groupe de jeunes en guenille s’il est possible d’installer notre tente dans le pré jouxtant le bâtiment. Ils nous désignent un endroit bien plat et un peu protégé du vent grâce à un rideau de peupliers. Il y a, de plus, à proximité, une source dont l’eau est cristalline et glacée.
Pour la première fois depuis le début de ce voyage notre pompe à vélo va être utile : Le vieux ballon de foot que les gamins de Fachinal ne pouvaient plus utiliser depuis des lustres va enfin pouvoir être regonflé.
La nuit sera terriblement venteuse. Nous dormons assez mal tant la tente est secouée. J’ai l’impression qu’elle ne tiendra pas le coup, qu’elle se déchirera ou s’envolera à la prochaine rafale un peu plus violente.


Samedi 3 janvier 1998

Fachinal –Malin Grande- Puerto Guadal

Dure mais superbe étape par un chemin en corniche le long du lac. Les côtes et les descentes deviennent particulièrement abruptes, quant au « revêtement » de la piste, il est, par moment, à la limite du praticable. Mais qu’importe, aujourd’hui, le soleil nous réchauffe et le paysage est tellement impressionnant qu’on en arrive à oublier nos mollets endoloris.
Alors que nous arrivons à proximité de Malin Grande, point de chute initial de cette étape, un pick-up à bord duquel se trouve un couple de touristes argentins s’arrête et propose de nous charger jusqu’au prochain village, Puerto Guadal. « Pour vous faire une petite avance, s’exclame-t-il ! ». Encore un autre très beau tronçon longeant les rives du lac, qui en cette fin d’après-midi se pare de lumières dorées incomparables. Malheureusement, ces Argentins roulent comme des fous et ne s’arrêtent même pas pour apprécier un tant soit peu ce paysage hors normes. Le pilote se vante d’ailleurs d’avoir quitté la veille sa province de Buenos Aires (située à plus de 2000 kilomètres !) sans s’être arrêté, et qu’il tient à garder sa « moyenne ». Sa femme a l’air résignée et lève constamment les yeux au ciel dès que l’homme commente, émerveillé, les performances de sa machine. Rouler à cette allure sur ces pistes est une folie pure. Je ne sais à quoi m’accrocher tant nous sommes secoués. Pour faire une petite diversion, je demande au chauffeur s’il n’a pas aperçu en chemin les deux jeunes hollandaises croisées la veille. Il m’assure n’avoir rien vu. « Vous savez, à cette vitesse, j’ai intérêt à ne pas trop me laisser distraire, lâche-t-il »
Nous sommes heureux d’arriver à Puerto Guadal, les jambes flageolantes mais indemnes, et de quitter définitivement cet émule indigne de Fangio.
Sur les conseils d’un habitant des lieux nous installons rapidement la tente en bordure du lac, non loin du poste des carabiniers. C’est aussi chez eux que nous pourrons nous approvisionner en eau potable. Il y a également une petite épicerie pas trop mal achalandée à proximité. Pour le reste, et malgré les crottins de cheval qui jonchent le site, l’endroit est idéal pour camper. Le vent semble s’être calmé. Tout est réuni pour passer une nuit réparatrice !

13 mai, 2007

Carretera austral (13)

Lundi 29 décembre 1997

Une équipée familiale et vélocipédique à travers la Patagonie chilienne

Chile Chico

Visite de la ville ainsi que tentative –infructueuse- de retrait d’argent dans la petite agence bancaire locale. Nous n’avons presque plus de liquidité et cela risque de poser quelques problèmes pour les jours à venir. Bien que l’agence en question ait apposé de grandes publicités vantant les mérites et les facilités offertes par la carte Visa, l’employé nous avoue que cette carte -bien que proposée aux clients- est encore inutilisable aux guichets. Le banquier nous indique cependant quelques commerces acceptant ce mode de paiement, notamment une supérette (El Sur) où nous ferons le plein de provisions. Vu l’état global de nos finances, nous limiterons encore davantage notre fréquentation des restos et décidons à partir de ce jour de préparer tous nos repas nous-même. D’autant que la chambre que nous louons ici (Pension Don Luis) est suffisamment grande et se transformera parfaitement, le cas échéant, en cuisine improvisée.

Passons le reste de la journée à nous balader le long du lac et restons un bon moment sur une jolie plaine de jeux où Pablo se mêlera aux enfants du coin.

Mardi 30 décembre 1997

Chile Chico

Notre séjour à la Pension Don Luis va devoir se prolonger. Nous n’avons pas le choix : Pablo s’est de nouveau remis à tousser et le médecin que nous avons consulté ce matin nous a conseillé de ne pas trop l’exposer….au vent, du moins pendant quelques jours. Cela va être difficile. Aujourd’hui, le journal annonce des rafales dépassant les 80 km/h !
Nous flânons un peu dans la ville et partons chacun de notre côté à la recherche d’un petit cadeau que l’on pourra s’offrir lors du réveillon de demain. Pour Marie-Hélène, j’ai trouvé une cassette d’un accordéoniste répondant au nom de Marcelo Videla. Il s’agit -selon la pochette- du véritable « rénovateur » du Chamame (style musical traditionnel originaire du nord de l’ Argentine). Sur la photo l’homme a plutôt une bonne bouille et est affublé d’un invraisemblable costume de cow-boy. Pour Pablo, j’ai fait l’acquisition un petit kit d’exploration spatiale très complet (made in Taïwan) comprenant des petits personnages aux couleurs métallisées, une soucoupe volante, des chars d’assaut interplanétaires ainsi que les indispensables armes au laser.

Mercredi 31 décembre 1997

Chile Chico, toujours à la pension Don Luis.

Faisons la connaissance de nos voisins de chambre. Il s’agit de deux profs au lycée de Chile Chico et d’un jeune homme, employé dans une société chargée de l’épuration des eaux. Lorsque nous les rencontrons, ils ont installé des chaises dans le couloir et trinquent déjà à la nouvelle année. Bien qu’il soit encore tôt dans la soirée, les trois compères ont déjà l’air bien entamé. Surtout le jeune ingénieur chargé de l’épuration des eaux. Il a même l’alcool un peu triste. Après quelques minutes de conversation, celui-ci se met à pleurnicher sur mon épaule et se lamente sur son sort. « Comment se peut-il, me dit-il les larmes au bord des yeux, qu’ un ingénieur de ma valeur ait pu être affecté dans un bled aussi pourri et où rien ne se passe jamais ?…. » Pour le consoler, ses compagnons d’infortune ne trouvent rien d’autre que de lui verser à nouveau de grandes rasades de pisco. Nous assistons, impuissant à l’irrémédiable « descente » de l’ingénieur qui, selon toute vraisemblance, ne terminera pas cette soirée debout.
Nous abandonnons momentanément le petit groupe pour commencer à confectionner notre modeste repas de réveillon. Au menu, figureront trois cuisses de poulet, du riz aux ananas, une tranche de pan de pascua (un compromis entre le cramique et le cake aux raisins secs) et l’inévitable pisco en guise de pousse-café. Cela à l’air simple, mais compte tenu des moyens techniques dont nous disposons (une seule casserole et notre petit brûleur à essence), on peut considérer que c’est une performance culinaire. D’autant que, par prudence, nous avons préféré cuisiner à l’extérieur -malgré le vent- sur le palier donnant accès au couloir des chambres.
Minuit approche, nous échangeons nos cadeaux (Pablo est émerveillé par son kit d’exploration spatiale) puis décidons d’adresser nos vœux aux voisins de chambre. Dans celle de l’ingénieur -il fallait s’y attendre- c’est la débâcle. Au milieu des bouteilles vides, une masse informe gît comme un pantin désarticulé. Nous refermons doucement la porte et passons dans les autres chambres -celles des profs- Là, l’ambiance est tout autre et nous sommes accueillis à bras ouvert au son d’une cueca tonitruante. Embrassades, tequila, pisco, musique à fond la caisse et quelques pas de danse achèveront cette soirée improvisée. Pendant ce temps, dans le couloir, Pablo s’est lancé dans une bataille intergalactique avec ces nouveaux jouets.
Lorsque les 12 coups de minuit retentissent au clocher de l’église, nous risquons une petite sortie sur la place du village, espérant nous mêler à la « foule en liesse ». Curieusement, il n’y absolument personne sur la place et les modestes lampadaires ne laissent apparaître que les silhouettes grêles de quelques arbustes rescapés d’une précédente bourrasque. Rien aux alentours ne permet de déceler les signes d’une quelconque fête. L’ingénieur avait peut-être raison lorsqu’il disait que rien ne se passe jamais ici !


Jeudi 1 janvier 1998

Chile Chico

Chile Chico
« Petite » gueule de bois. Pas grand chose à faire, ni à dire. On traîne dans la petite ville plus assoupie que jamais. Nous restons un moment avec Pablo sur la plaine de jeux puis rassemblons le peu qu’il nous reste d’énergie pour faire une petite excursion à vélo vers la frontière argentine. Moche, gris et sans intérêt. Demain, c’est décidé, nous levons le camp et reprendrons le cours de notre expédition. Si tout va bien.