13 mai, 2007

Carretera austral (13)

Lundi 29 décembre 1997

Une équipée familiale et vélocipédique à travers la Patagonie chilienne

Chile Chico

Visite de la ville ainsi que tentative –infructueuse- de retrait d’argent dans la petite agence bancaire locale. Nous n’avons presque plus de liquidité et cela risque de poser quelques problèmes pour les jours à venir. Bien que l’agence en question ait apposé de grandes publicités vantant les mérites et les facilités offertes par la carte Visa, l’employé nous avoue que cette carte -bien que proposée aux clients- est encore inutilisable aux guichets. Le banquier nous indique cependant quelques commerces acceptant ce mode de paiement, notamment une supérette (El Sur) où nous ferons le plein de provisions. Vu l’état global de nos finances, nous limiterons encore davantage notre fréquentation des restos et décidons à partir de ce jour de préparer tous nos repas nous-même. D’autant que la chambre que nous louons ici (Pension Don Luis) est suffisamment grande et se transformera parfaitement, le cas échéant, en cuisine improvisée.

Passons le reste de la journée à nous balader le long du lac et restons un bon moment sur une jolie plaine de jeux où Pablo se mêlera aux enfants du coin.

Mardi 30 décembre 1997

Chile Chico

Notre séjour à la Pension Don Luis va devoir se prolonger. Nous n’avons pas le choix : Pablo s’est de nouveau remis à tousser et le médecin que nous avons consulté ce matin nous a conseillé de ne pas trop l’exposer….au vent, du moins pendant quelques jours. Cela va être difficile. Aujourd’hui, le journal annonce des rafales dépassant les 80 km/h !
Nous flânons un peu dans la ville et partons chacun de notre côté à la recherche d’un petit cadeau que l’on pourra s’offrir lors du réveillon de demain. Pour Marie-Hélène, j’ai trouvé une cassette d’un accordéoniste répondant au nom de Marcelo Videla. Il s’agit -selon la pochette- du véritable « rénovateur » du Chamame (style musical traditionnel originaire du nord de l’ Argentine). Sur la photo l’homme a plutôt une bonne bouille et est affublé d’un invraisemblable costume de cow-boy. Pour Pablo, j’ai fait l’acquisition un petit kit d’exploration spatiale très complet (made in Taïwan) comprenant des petits personnages aux couleurs métallisées, une soucoupe volante, des chars d’assaut interplanétaires ainsi que les indispensables armes au laser.

Mercredi 31 décembre 1997

Chile Chico, toujours à la pension Don Luis.

Faisons la connaissance de nos voisins de chambre. Il s’agit de deux profs au lycée de Chile Chico et d’un jeune homme, employé dans une société chargée de l’épuration des eaux. Lorsque nous les rencontrons, ils ont installé des chaises dans le couloir et trinquent déjà à la nouvelle année. Bien qu’il soit encore tôt dans la soirée, les trois compères ont déjà l’air bien entamé. Surtout le jeune ingénieur chargé de l’épuration des eaux. Il a même l’alcool un peu triste. Après quelques minutes de conversation, celui-ci se met à pleurnicher sur mon épaule et se lamente sur son sort. « Comment se peut-il, me dit-il les larmes au bord des yeux, qu’ un ingénieur de ma valeur ait pu être affecté dans un bled aussi pourri et où rien ne se passe jamais ?…. » Pour le consoler, ses compagnons d’infortune ne trouvent rien d’autre que de lui verser à nouveau de grandes rasades de pisco. Nous assistons, impuissant à l’irrémédiable « descente » de l’ingénieur qui, selon toute vraisemblance, ne terminera pas cette soirée debout.
Nous abandonnons momentanément le petit groupe pour commencer à confectionner notre modeste repas de réveillon. Au menu, figureront trois cuisses de poulet, du riz aux ananas, une tranche de pan de pascua (un compromis entre le cramique et le cake aux raisins secs) et l’inévitable pisco en guise de pousse-café. Cela à l’air simple, mais compte tenu des moyens techniques dont nous disposons (une seule casserole et notre petit brûleur à essence), on peut considérer que c’est une performance culinaire. D’autant que, par prudence, nous avons préféré cuisiner à l’extérieur -malgré le vent- sur le palier donnant accès au couloir des chambres.
Minuit approche, nous échangeons nos cadeaux (Pablo est émerveillé par son kit d’exploration spatiale) puis décidons d’adresser nos vœux aux voisins de chambre. Dans celle de l’ingénieur -il fallait s’y attendre- c’est la débâcle. Au milieu des bouteilles vides, une masse informe gît comme un pantin désarticulé. Nous refermons doucement la porte et passons dans les autres chambres -celles des profs- Là, l’ambiance est tout autre et nous sommes accueillis à bras ouvert au son d’une cueca tonitruante. Embrassades, tequila, pisco, musique à fond la caisse et quelques pas de danse achèveront cette soirée improvisée. Pendant ce temps, dans le couloir, Pablo s’est lancé dans une bataille intergalactique avec ces nouveaux jouets.
Lorsque les 12 coups de minuit retentissent au clocher de l’église, nous risquons une petite sortie sur la place du village, espérant nous mêler à la « foule en liesse ». Curieusement, il n’y absolument personne sur la place et les modestes lampadaires ne laissent apparaître que les silhouettes grêles de quelques arbustes rescapés d’une précédente bourrasque. Rien aux alentours ne permet de déceler les signes d’une quelconque fête. L’ingénieur avait peut-être raison lorsqu’il disait que rien ne se passe jamais ici !


Jeudi 1 janvier 1998

Chile Chico

Chile Chico
« Petite » gueule de bois. Pas grand chose à faire, ni à dire. On traîne dans la petite ville plus assoupie que jamais. Nous restons un moment avec Pablo sur la plaine de jeux puis rassemblons le peu qu’il nous reste d’énergie pour faire une petite excursion à vélo vers la frontière argentine. Moche, gris et sans intérêt. Demain, c’est décidé, nous levons le camp et reprendrons le cours de notre expédition. Si tout va bien.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Grâce à ton récit, je "vois" les scènes dont tu parles. On dirait du cinéma, du bon cinéma documentaire comme je l'aime !
Le pauvre jeune ingénieur déprimé, le pisco, la bataille intergalactique...
Et vous allez de plus en plus vers le sud, le bout du bout du monde...