17 mai, 2007

Carretera austral (14)

Vendredi 2 janvier 1998

Une équipée familiale et vélocipédique à travers la patagonie chilienne

Chile Chico – Fachinal

Etape éprouvante. Nous sortons de Chile Chico par un semblant de piste empierrée et pentue. Pour ne pas changer, le vent est toujours de la partie. Nous allons parcourir 6 kilomètres en 2 heures. Nous renonçons et préférons nous abriter un moment derrière un rocher jusqu’à ce qu’une camionnette nous charge pour une vingtaine de kilomètres. Là, le véhicule doit quitter la piste principale et bifurque vers la droite pour se rendre à la « Mina Guanaco », un gisement d’or et d’argent d’où, selon notre chauffeur, l’on extrait quelques 1500 tonnes de minerais par jour. C’est probablement à cette mine qu’était destinée la cargaison de dynamite avec laquelle nous avons voyagé dans le transbordeur quelques jours auparavant.
A peine le chauffeur de la camionnette nous a-t-il laissé que deux jeunes femmes surgissent des fourrés. Hirsutes et dépenaillées.
Ce sont deux auto-stoppeuses hollandaises « en planque » qui, ayant entendu un véhicule s’arrêter, pensaient avoir enfin trouver le « lift » providentiel. Dépitées, les deux filles d’Utrecht nous disent avoir été déposées ici la veille et que depuis, absolument rien n’est passé sur la route, ni dans un sens, ni dans l’autre! Elle viennent de passer la nuit, cachées dans les buissons.
Il faut bien reconnaître que cette piste est effectivement en dehors des sentiers battus. Elle constitue, à cet endroit, une « petite » variante de la Carretera austral qui, elle, serpente au Nord du lac Général Carrera.
La voie « Sud » que nous avons choisie, à l’instar des Hollandaises, est par contre réputée pour être plus sauvage tout en permettant de longer de près ce lac fabuleux et de garder constamment un œil sur ce dernier.
Bref, c’est plus dur, mais c’est plus beau !
Nous passons un moment avec les auto-stoppeuses et mettrons en commun nos réserves de nourriture pour le pique-nique de midi.
Peu enthousiastes à l’idée d’attendre le reste de la journée un hypothétique véhicule, nous décidons, malgré le vent et l’état épouvantable de cette piste, de nous remettre en selle et faisons nos adieux aux deux Hollandaises.
Arrivons à Fachinal en fin d’après-midi.
Complètement fourbus.
Lorsque nous sommes en vue de l’endroit, nous constatons que ce village se résume, en tout et pour tout, à quatre ou cinq maisons, des pâtures et un genre de ferme, et encore, elle est dans un état de délabrement avancé.
C’est curieux comme les cartes de géographie peuvent être trompeuses. En effet, sur la nôtre, Fachinal était représenté par un point assez gras. Nous pensions, qu’à l’image d’autres villages de ce gabarit, nous aurions au moins rencontré un minimum d’ « infrastructures »… un petit magasin ou un de ces drugstores de western où l’on trouve côte à côte du fil de fer, des boîtes de conserves, de la bière, des fers à cheval, des bidons de pétrole….. Non, ici, il n’y a rien de rien. On écoute le vent, c’est tout.
Nous nous dirigeons vers la ferme et demandons à un petit groupe de jeunes en guenille s’il est possible d’installer notre tente dans le pré jouxtant le bâtiment. Ils nous désignent un endroit bien plat et un peu protégé du vent grâce à un rideau de peupliers. Il y a, de plus, à proximité, une source dont l’eau est cristalline et glacée.
Pour la première fois depuis le début de ce voyage notre pompe à vélo va être utile : Le vieux ballon de foot que les gamins de Fachinal ne pouvaient plus utiliser depuis des lustres va enfin pouvoir être regonflé.
La nuit sera terriblement venteuse. Nous dormons assez mal tant la tente est secouée. J’ai l’impression qu’elle ne tiendra pas le coup, qu’elle se déchirera ou s’envolera à la prochaine rafale un peu plus violente.


Samedi 3 janvier 1998

Fachinal –Malin Grande- Puerto Guadal

Dure mais superbe étape par un chemin en corniche le long du lac. Les côtes et les descentes deviennent particulièrement abruptes, quant au « revêtement » de la piste, il est, par moment, à la limite du praticable. Mais qu’importe, aujourd’hui, le soleil nous réchauffe et le paysage est tellement impressionnant qu’on en arrive à oublier nos mollets endoloris.
Alors que nous arrivons à proximité de Malin Grande, point de chute initial de cette étape, un pick-up à bord duquel se trouve un couple de touristes argentins s’arrête et propose de nous charger jusqu’au prochain village, Puerto Guadal. « Pour vous faire une petite avance, s’exclame-t-il ! ». Encore un autre très beau tronçon longeant les rives du lac, qui en cette fin d’après-midi se pare de lumières dorées incomparables. Malheureusement, ces Argentins roulent comme des fous et ne s’arrêtent même pas pour apprécier un tant soit peu ce paysage hors normes. Le pilote se vante d’ailleurs d’avoir quitté la veille sa province de Buenos Aires (située à plus de 2000 kilomètres !) sans s’être arrêté, et qu’il tient à garder sa « moyenne ». Sa femme a l’air résignée et lève constamment les yeux au ciel dès que l’homme commente, émerveillé, les performances de sa machine. Rouler à cette allure sur ces pistes est une folie pure. Je ne sais à quoi m’accrocher tant nous sommes secoués. Pour faire une petite diversion, je demande au chauffeur s’il n’a pas aperçu en chemin les deux jeunes hollandaises croisées la veille. Il m’assure n’avoir rien vu. « Vous savez, à cette vitesse, j’ai intérêt à ne pas trop me laisser distraire, lâche-t-il »
Nous sommes heureux d’arriver à Puerto Guadal, les jambes flageolantes mais indemnes, et de quitter définitivement cet émule indigne de Fangio.
Sur les conseils d’un habitant des lieux nous installons rapidement la tente en bordure du lac, non loin du poste des carabiniers. C’est aussi chez eux que nous pourrons nous approvisionner en eau potable. Il y a également une petite épicerie pas trop mal achalandée à proximité. Pour le reste, et malgré les crottins de cheval qui jonchent le site, l’endroit est idéal pour camper. Le vent semble s’être calmé. Tout est réuni pour passer une nuit réparatrice !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Le paysage est à couper le souffle....
J'ai envie de partir.....

Anonyme a dit…

Toujours passionnant !
Mais quelle pitié, ce Fangio assoiffé de vitesse et de moyenne, qui traverse un paysage somptueux en trombe....

Anonyme a dit…

Pour répondre à "Anonyme": je crois en effet que c'est le moment de partir! En quelques années, j'ai constaté que de plus en plus d'agences de voyages organisaient des circuits dans cette région. (Ce qui était encore bien peu le cas il y a dix ans) Ce n'est certes pas encore devenu la "Costa Brava", mais ça commence à devenir bien fréquentés.Il suffit, pour s'en rendre compte, de taper Carretera austral sur Google et de voir combien de sites consacrent des pages à ce sujet!!!!

Anonyme a dit…

Bonjour Nuages!

En ces temps trépidants, stressants, où l'on se doit d'être "performants", où personne n'a plus jamais le temps....La lenteur ne serait-elle pas le dernier vrai luxe?...
Le rythme du "pantouflard", quoi :)
Bien cordialement