20 décembre, 2006

Mission à Gourcy (8)

Mercredi 13 juillet

Une journée bien chargée, et impressionnante, que celle-ci. Notamment avec cette visite, le matin , au dispensaire local. Nous nous entretenons longuement avec Issaka Yameogo, le médecin responsable de cette antenne médicale. Tout en nous faisant visiter l’infrastructure, celui-ci nous informe qu’il y a au Burkina Faso un médecin pour 150.000 habitants. Sur une population totale de 12 millions d’âmes il n’y aurait donc pas plus d’une centaine de médecins diplômés dans ce pays! « Et encore, l’estimation de la population nationale est sujette à caution, nous avertit Issaka, il faut en effet payer 500 frcs CFA pour être inscrit sur les registres de naissance. et beaucoup de parents préfèrent consacrer cette somme à des dépenses plus vitales »
Etant donné la cruelle pénurie de médecin, je pensais aussi que, logiquement, Issaka devait être débordé dans son hôpital. Cependant, nous allons constater très vite que pratiquement toutes les chambres de l’établissement sont vides de même que la salle d’attente. Non pas que l’état de santé général de Gourciens soit meilleur qu’ailleurs mais par le fait que la plupart d’entre eux rechigne à consulter pour éviter la dépense d’une visite qui s’élève à 100 Frs CFA soit 0,15 euro. Une somme que la plupart des gens considère encore comme trop élevée. Ceux-ci recourent ainsi le plus souvent aux médecines traditionnelles et aux plantes médicinales que l’on trouve à meilleur prix sur le marché.
A la question de savoir quelles sont les maladies les plus fréquentes que l’on traite ici, le médecin évoque tout d’abord le paludisme, viennent ensuite toutes les affections respiratoires puis les problèmes liés à la diarrhée. En ce qui concerne le SIDA, Issaka reconnaît que les différentes campagnes de prévention menées ces dernières années ont porté leurs fruits. En 2001, il y avait grosso modo 7% de la population touchée. Un proportion qui serait tombée à 2% aujourd’hui.
Au cours de la visite, nous parvenons en un lieu où se trouvent une série de pavillons en forme de hutte accueillant les enfants souffrant de mal nutrition. Là, des mères sont hébergées avec leurs bébés jusqu’à ce que ceux-ci soient tirés d’affaire. Dans la pénombre, nous apercevons certains d’entre eux, le regard vitreux et dans un état de maigreur effrayante. Le médecin se veut toutefois rassurant sur leur sort et nous montre aussitôt quelques photos d’enfants traités dans ce service. Sur certaines, on les voit quasiment squelettiques et sur d’autres on les retrouve, quelques mois plus tard, avec les joues rebondies et le sourire aux lèvres. La vie a repris. C’est terriblement émouvant.



(gourcy, le marché)

Nous quittons le dispensaire en fin de matinée et accompagnons ensuite le Maire au marché quotidien. Il s’agit d’un véritable labyrinthe de boutiques rustiques en planche, en carton, en tôle où l’on trouve des épices, du sel, des tissus, des grigris, des armes blanches, des récipients de toutes formes et de toutes tailles en terre cuite ou encore de la viande. Cette dernière est entreposée dans un local en pisé où la chaleur est suffocante. Les morceaux de chèvre ou de vache sont accrochés au plafond. L’odeur est particulièrement forte.



L’après-midi sera enfin consacrée à la visite de petites entreprises artisanales. L’une d’elles est une savonnerie réalisant tous ses produits à base du fruit du nimier. Sur de modestes étagères s’alignent la production du jour. Des savons en forme de boule ou de cube, pour laver les vêtements ou pour l’hygiène corporelle ou utilisés comme produits d’entretien. En ce moment un groupe de femme est en train de conditionner des détergents d’une belle couleur bleutée dans des bidons de plastique.
Nous nous rendons ensuite dans ce que l’on pourrait appeler un atelier de bijouterie en plein- air. Un peu à l’écart de la ville, dans un lieu perdu au cœur du maquis, une dizaine d’hommes, abrités par de légères paillotes martèle et façonne des bijoux et des bracelets en cuivre ou en étain. Chaque ouvrier est assis en tailleur à même le sol à proximité d’un petit brasero où se consument les charbons ardents utilisés pour amollir le métal. J’ai l’impression que les premières fonderies de l’âge du fer devaient ressembler à cette installation des plus sommaires.

Nous terminons enfin cette journée par la visite d’un atelier de mécanique spécialisé dans la fabrication et la réparation de machines-outils. Le patron de l’entreprise exhibe avec enthousiasme une de ces réalisations récentes. Il s’agit d’une roue de brouette dont le pneu a été entièrement réalisé grâce à des déchets de plastiques qu’il a fait fondre dans une casserole puis coulé dans un moule à la forme du pneu.
Nous reprenons le chemin du centre vers 17h puis partageons quelques verres avec le Maire et des membres de son administration. Une employée viendra plus tard chargée d’un excellent tô accompagné de sa bonne sauce gluante à base de feuilles de baobab, d’oseille, de lentilles et de gombo. Dans la pénombre, je n’arrive toutefois pas à déceler l’ aliment que j’ai puisé dans le fond de la marmite et que je suis en train de mastiquer depuis de longues minutes déjà. J’ arrive discrètement à l’extraire de ma bouche et me rends compte qu’il s’agit tout simplement d’une belle grosse tête de poisson, très expressive.
Je rentre fourbu dans ma chambre une fois l’obscurité venue, et les moustiques par trop envahissants. Je décide de prendre une douche avant de me coucher. La pression n’ est plus très forte mais cela devrait suffire. Je m’applique une bonne dose de shampoing sur les cheveux lorsque soudain, l’eau vient à s’arrêter. Le réservoir est vide. Ce soir, je terminerai ma toilette avec un fond d’eau minérale qu’il me restait. On apprend à être économe dans ces conditions et surtout… à tirer parti du moindre décilitre de ce précieux liquide.

(gourcy, à la fontaine)

Aucun commentaire: