24 mars, 2007

Carretera austral (7)

Lundi 15 décembre 1997
Une équipée familiale et vélocipédique à travers la Patagonie chilienne

Ventisquero Colgante – Villa Amengual

Environ 35 km. Temps impeccable mais une étape très dure. Un col (la Cuesta Queulat) est venu interrompre la relative « facilité » du parcours. Cela devient au-dessus de nos forces et nous innovons en pratiquant ce qu’on pourrait appeler du « vélo-stop ». La technique consiste à continuer à rouler à vélo tout en dressant le pouce dés qu’une voiture apparaît. Cela à l’air assez improbable compte tenu, d’une part, de la quasi-absence de circulation dans la région et d’autre part, de la masse de matériel à embarquer dans un véhicule susceptible de nous charger ! Mais la Patagonie est décidément une région où tout est possible. Au bout d’une heure, un minibus surgira de nulle part et acceptera de nous charger avec armes et bagages. Le chauffeur se rend à Puerto Cisnes. « Une localité jouissant d’un développement tout à fait particulier et très avantagée par rapport à d’autres dans la région grâce, nous dit-il, à son ancienne Maire qui était aussi une voyante très réputée ! A tel point que le Général Pinochet en personne la consultait fréquemment lorsqu’une décision importante devait se prendre. En remerciement, le dictateur lui octroyait de généreux subsides grâce auxquels la commune a pu se doter d’infrastructures peu courantes sous ces latitudes telles que routes asphaltées, égouttage, réseau électrique et distribution d’eau de qualité, etc… »
Nous quitterons notre chauffeur à la croisée de deux routes. Celle menant vers Puerto Cisnes précisément et l’autre, vers notre destination de ce jour : Villa Amengual.
Une entité de 192 habitants fondée également au début des années 80. La particularité du village, en cette saison, est que la plupart des maisons sont vides. Les habitants, dont un bon nombre pratique l’élevage, sont dispersés durant l' été dans les pâturages de montagne.
Autre curiosité à signaler : le cimetière ne compte encore que six tombes. « Et encore, nous apprend le patron du café où nous nous sommes arrêtés, ils sont tous morts dans le courant de cette année, victimes du virus Anta (ou Hantavirus) ». -Un virus particulièrement agressif, présent dans les déjections et urines de rats, provoquant des affections pulmonaires graves-.
C’est également ce même bistrotier qui nous indiquera une petite prairie un peu en contrebas du village où nous pourrons nous installer pour la nuit.
L’endroit est utilisé par les ouvriers de la voirie pour y entreposer leur matériel, mais à cette époque, le site n’est apparemment guère fréquenté.
Avant de monter la tente, nous décidons de prendre notre repas dans ce petit établissement agréable dont les murs ont été recouverts d’une sorte bambous. Par la porte entrouverte : une vue imprenable sur la montagne et cette nature décidément affolante de beauté.




Mardi 16 décembre 1997

Journée calme consacrée à la découverte du village et de ses environs. Passons un moment sur la petite plaine de jeux avec Pablo tout en rédigeant quelques lettres pour la famille.
Le beau temps, cette fois, a l’air de se maintenir.
Pour la 2e fois depuis le début de ce voyage, nous rencontrons aujourd’hui un voyageur à vélo. Il est originaire de Munich et travaille pour la société BMW.
Il nous explique que son arrivée à Villa Amengual a été marquée par un drame. En effet, peu avant le village, il a été victime d’une lourde chute et son porte-bagages s’est rompu sous le choc et personne ici n’a été en mesure de lui ressouder la pièce.
Nous l’invitons à installer sa tente à côté de la nôtre et préparons ensemble le repas du soir autour d’une bonne flambée. Cela à l’air de lui remonter un peu le moral.

Mercredi 17 décembre 1997

Villa Amengual- Manihuales
Une étape d’environ 50 km. Le temps reste splendide mais la route est terriblement dure en raison de son empierrement.
Arrivés à Manihuales, nous sommes littéralement épuisés et ne prenons même pas la peine de chercher un endroit pour planter la tente. Nous nous engouffrons dans la première pension potable venue bien que la patronne se révèle rapidement d’une humeur épouvantable. Du genre à ne rire que lorsqu’elle se cogne à la cuisinière en fonte qui trône au centre de la cuisine. Nous sommes de nouveau les seuls clients de l’établissement, du moins pour manger. Le repas sera par ailleurs assez tristounet avec une pièce de viande immangeable tant elle est coriace, une salade fadasse ainsi qu’un vin médiocre et très coûteux. Par dessus le marché, l’hôtelière nous a installé juste à côté d’un déprimant sapin de Noël décoré à la va-vite. Pour nous consoler, nous achetons dans un magasin voisin une bouteille de Pisco que nous irons partager dans le petit salon situé à l’étage avec deux autres locataires. Un négociant en bois et un employé de la société Galaxy. Il s’agit d’un réseau de télévision émettant depuis Miami via satellite permettant de capter des dizaines de chaînes du monde entier « Ce mode de communication représente un progrès immense pour cette région isolée du monde. J’ai vraiment l’impression de faire un travail essentiel en permettant aux gens d’ici d’être informés sur tout ce qui se passe dans le monde, nous assure l’ homme ». En fait d’information , et renseignements pris, les habitants du cru auront surtout le droit de regarder CNN, Turner International, MGM et autres USA Networks…. Le progrès est bel et bien en marche !!!


1 commentaire:

Quentin Mortier-Hottois a dit…

Cher Bernard,

J'ai parcouru quelques "posts" de ton blog. J'ai beaucoup aimé les textes et les images. Celles du Faso que je connaissais déjà mais aussi les autres, la latinos comme les "wallonnes". Contrairement à un des commentateurs, je trouve que certaines photos devraient être plus grandes, pour les mettre en valeur. Il est vrai qu'on peut toujours cliquer dessus pour mieux les voir. J'ai bien aimé aussi la réflexion sur l'utilité d'un blog. Non, tout ne doit pas avoir un utilité... Heureusement.

Quentin