30 mai, 2008

Chili, des photos, des légendes...(14)

Trois petites étapes sur la route de Santiago (3/3)


Los Andes est une jolie bourgade perchée à 700 mètres d’altitude, sur les contreforts de la Cordillère, et traversée par un torrent – l’Aconcagua-.
Dans les campagnes environnantes, une grande partie des terres est vouée à la culture des vignes et des pêchers. Ça et là, on peut aussi remarquer quelques lopins dédiés à l’amandier et à l’olivier. Dans une certaine mesure, bien que cela ne soit pas perceptible -et qu’aucun guide ne le mentionne- le climat exceptionnellement sain de la région permet aussi au chanvre indien de se développer de manière tout à fait correcte.

Mais en dépit de quelques édifices à l’architecture coloniale, de belles artères arborées de platanes et d’une vivante Place d’Armes, rien de vraiment remarquable n’inciterait le voyageur à prolonger son séjour ici outre mesure. D’autant que cette région est qualifiée d’instable sur le plan tellurique. La réputation de Los Andes est même d’être au Chili une des villes les des plus exposées aux séismes. Ce qui oblige d’ailleurs les architectes locaux à prévoir pour leurs constructions un réseau spécial de poutrelles d’acier destiné à en accroître la cohésion.

Et il en est ainsi de la maison des Villegas, nos hôtes de ce soir. Une famille qu’un ingénieur de Calama, rencontré précédemment, nous avait recommandée.
La lettre remise par l’ingénieur de Calama à l’intention de Madame Villegas fut d’ailleurs d’une aide précieuse et, bien que nous n’en ayons jamais connu la teneur, cette missive nous valut d’être reçu en véritables amis.

Pour la première fois depuis le début de ce voyage, nous étions accueillis par une famille relativement aisée. Le seul salaire du père avait permis l’acquisition de cette modeste mais confortable maison ainsi que d’une petite voiture. Une Lada vert-de-gris.

Quant aux trois garçons de la maison, ils suivaient leurs études avec succès. L’un d’entre eux- l’aîné- commencerait même l’université l’année prochaine à Santiago.

Outre Madame Villegas, qui jouait, selon la formule consacrée le rôle de maîtresse de maison, une sixième personne partageait la vie de cette famille : « Le Papy », comme chacun l’appelait ici. C’était le père de Monsieur Villegas, un ancien capitaine de corvette à la retraite. Sa principale occupation était d’écouter au volume maximum son transistor qu’il maintenait de surcroît collé à l’oreille. Il était un peu sourd car les fréquents exercices de tir au canon lui avaient détérioré les tympans. Aujourd’hui, il ne fallait absolument pas le déranger car c’était la retransmission d’un match important. Le Colo-Colo –l’équipe « fétiche » nationale- faisait apparemment une fois de plus la démonstration de sa supériorité à en juger par les commentaires hystériques du présentateur dont les « Gooooooooooal !» se répercutaient dans toute la maisonnée.

Le chef de famille allait bientôt rentrer et, en l’attendant, Madame Villegas évoquait le travail de son mari à la « Mineria Andina ». Une mine de cuivre appartenant à la puissante Codelco, le consortium propriétaire, notamment, de la mine de Chuquicamata à Calama.

Depuis plus de dix ans Jaime Villegas y occupait un poste de responsable au service « maintenance du charroi ». Comme se plaisait à le souligner son épouse, cet emploi était non seulement bien rémunéré, mais en plus, comme tous les employés et ouvriers de ce secteur, Jaime bénéficiait d’avantages sociaux non négligeables parmi lesquels l’octroi de prêts hypothécaires à des taux fort avantageux n’était pas le moindre.

La porte venait de s’ouvrir et déjà, le plus jeune des fils accourrait vers son père pour l’entraîner sans ménagement dans le living où nous étions installés.

Jaime était l’exemple même du bon vivant : A peine les présentations d’usage accomplies, celui-ci nous conviait sans plus attendre à porter un toast aux nouvelles amitiés belgo-
chiliennes ! Les bouteilles de Pisco et de Coca aussitôt ouvertes –et mélangées- n’allaient pas tarder à sceller cette sympathique rencontre. Entre-temps, Madame Villegas s’était emparée du coffret dans lequel elle rangeait ses photos de famille ainsi que des cartes postales qu’elle recevait régulièrement de parents et d’amis expatriés en Europe.
« Regardez dit-elle, j’en ai même quelques unes de votre pays ! »

Il s’agissait, pour la plupart, de vues de Bruxelles. Des photos un peu surannées prises vers la fin des années soixante à en juger par la ligne des voitures ou la coupe des vêtements des personnes figurant sur ces clichés.

A la demande de nos hôtes nous tenterons au mieux de commenter ces images, surtout celles où l’on pouvait voir -selon les mots de plus jeune fils de Jaime- « une incroyable place à l’architecture de conte de fée ».

Soudain, la maîtresse de maison se leva et, l’air quelque peu embarrassé, déclara qu’il était temps de penser aux choses sérieuses. Notre visite impromptue avait quelque peu bouleversé les plans culinaires de Madame Villegas et celle-ci avoua qu’elle n’avait plus grand-chose pour confectionner un repas digne de circonstance. Malgré nos protestations, il fut donc décidé, avec autorité, que nous nous rendrions tous ensemble au supermarché.

Aussitôt dit… aussitôt entassés dans la petite Lada des Villegas. Dieu merci, ni le benjamin, ni le grand-père, l’oreille toujours rivée à son transistor, n’avaient tenu à nous accompagner.

Le supermarché de Los Andes, à de rares exceptions près, ressemblait à n’importe quelle autre grande surface: Même ordonnance des produits, même musique soporifique, mêmes spots publicitaires, même éclairage criard, … Pour passer le temps, je tentai en vain de débusquer quelques denrées un tant soit peu exotiques. Seul un malheureux bac rempli de citrons de Pica se distinguait et les étiquettes des bouteilles de vin pouvaient à la rigueur prouver que nous étions au Chili. Et encore.

C’est à la sortie du magasin qu’il fallait chercher les particularités locales. Juste après les caisses, il y avait une bonne dizaine d’enfants âgés de huit ou neuf ans, portant le cache-poussière à l’emblème du magasin, qui s’affairait. Certains emballaient les achats de la clientèle et d’autres se proposaient de porter les colis jusqu’aux voitures en échange de quelques pièces. A l’extérieur, d’autres gamins encore, courant en tous sens, aidaient les automobilistes à se parquer en leur désignant les emplacements libres.

Dans la cohue, un paysan portant bleu de travail et chapeau de paille était occupé à coller des affichettes sur la vitrine extérieure du magasin dans l'indifférence générale. Il s’agissait d’un petit avis, maladroitement calligraphié et photocopié sur un papier de mauvaise qualité où l’on pouvait lire qu’un « Grand Rodéo suivi d’une fiesta huaso se tiendrait demain soir dans le hameau de Campo de Ahumada ». Il était précisé que « L’ ambiance y serait chaude et l’entrée gratuite ».

Lorsque je demandai à Jaime où se trouvait ce village, il me répondit, avec une moue un peu dédaigneuse, que cet endroit n’était pas très éloigné de Los Andes, à peine 30 ou 40 kilomètres, mais que la route était dans un tel état que plus aucun bus ne s’y rendait. Même les taxis refusaient la course jusque là.
- De toutes façons, ajouta Jaime, les plus beaux rodéos se déroulent à Rancagua, au sud de Santiago, à la fin du mois de janvier. Si vous êtes toujours dans le coin à ce moment, je me ferai un plaisir de vous y conduire. Mais à Campo de Ahumada, là c’est la brousse, je ne tiens vraiment pas à y aller.


(A Campo de Ahumada)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

la dernière photo montre bien que tu es finalement allé à Campo de Ahumada...
je m'en doutais, explorateur et découvreur que tu es ! ;o))

Anonyme a dit…

En effet! Et ce sera évidemment le sujet du prochain "post".
Amitiés et merci pour ton commentaire!

Bernard