17 février, 2007

Carretera Austral (2)

Lundi 24 novembre 1997
Une équipée familiale et vélocipédique à travers la Patagonie chilienne

L’ accident de la veille nous a un peu refroidi et nous ne sommes guère d’une humeur très enthousiaste aujourd’hui. De son côté, Pablo n’a pas l’air trop traumatisé par l’attaque des chiens. Il s’est remis à dessiner dans son cahier et semble prêt à repartir à l’aventure.
Quoiqu’il en soit, nous ne faisons pas grand chose aujourd’hui, à part nous promener au hasard dans la petite ville de Castro et surtout, tenter de trouver une pharmacie où nous pourrons faire une petite réserve de sérums anti-rabiques pour les jours à venir. Rien ne prouve que nous pourrons en acquérir facilement sur la route que nous nous sommes promis de parcourir.

Mardi 25 novembre

De bon matin, nous prenons enfin ce bus qui doit nous mener vers Queilen.
La veille, nous avions informé le Padre Mairlot de nos ennuis et prévenu de notre arrivée ce mardi dans le courant de la journée.
Une septantaine de kilomètres plus tard, le bus nous dépose dans ce petit village que nous avions connu 5 ans auparavant.
Queilen un est petit port de pêche d’environ 2000 habitants situé à l’extrémité d’une péninsule. Deux routes traversent le village. L’une et l’autre se terminent par un sentier sablonneux donnant sur la mer. Fondée au 18e siècle par des Jésuites, cette petite entité ne s’est réellement développée qu’en 1900 grâce, selon les historiens locaux, à l’arrivée fortuite d’une colonie de pêcheurs anglais et espagnols dont les embarcations échouèrent ici une nuit de tempête.
Aujourd’hui, Queilen, en dehors d’une petite activité piscicole (élevage de saumons, pêche, ramassage de coquillages et d’algues), de petites scieries et d’un peu d’élevage (mouton et porcs), Queilen reste un endroit un peu perdu, un peu oublié de tous. Rien non plus ne semble avoir changé depuis notre dernier voyage. Le terminal des bus se limite toujours à une sorte de bungalow misérable où un fonctionnaire un peu somnolant passe ses journées à remplir des documents sur une antique Remington.
Nous lui demandons, un peu inquiets, si l’avant veille, le chauffeur a bien déchargé nos bagages.
Il acquiesce et nous désigne, dans un coin de la salle d’attente, un monticule informe. Deux sacs à dos, le siège de Pablo et les 2 grandes caisses contenant nos vélos…tout semble être là et en bon état.
Le vieux pick-up rouge du Padre ne tarde pas à faire son apparition. Tel qu’en lui-même, et avec l’enthousiasme qui le caractérise Joseph nous serre dans ses bras et entame la conversation, exactement comme si nous l’avions quitté hier. A septante cinq ans, Joseph Mairlot reste toujours un gaillard vigoureux et infatigable. Il nous raconte que sa vie est toujours organisée de la même manière: debout dès l’aube et jamais couché avant 3 ou 4 heures du matin. Il y tant à faire dans cette paroisse en plus des offices traditionnels quotidiens : gérer la petite pharmacie qu’il a improvisé dans la cure, s’occuper du syndicat de pêcheurs -un des rares qui a osé tenir tête aux militaires, même à l’époque de Pinochet- puis toutes ces choses sans nom mais essentielles telles qu’accueillir chez lui, le temps qu’il faut, une femme battue et ses enfants, un pauvre bougre qui n’ a plus de quoi se nourrir, etc….
« A présent, ajoute-t-il, j’ai la tâche un peu plus facile depuis que j’ai une petite lancha (bateau de pêche) à moteur. Jusqu’il y a peu, il me fallait pratiquement un an, avec ma barque à rames ou mon cheval pour faire le tour de tous mes paroissiens éparpillés sur les îlots lointains». Nous sans fierté, Joseph nous apprend dans la foulée, que l’état chilien vient justement de lui décerner la nationalité chilienne pour les services rendus à cette petite communauté décidément bien isolée.
Nous arrivons à la cure et c’est à présent au tour de Bernardita -la gouvernante du Padre- de nous accueillir. Sur l’imposante cuisinière en fonte, une « grosse » soupe aux algues (cochayullo) -spécialité de la région- est en train de mijoter.
L’arôme en est assez particulier mais, comme on dit, ça vous requinque en moins de deux.

Mercredi 26 novembre 1997

Nous consacrons une bonne partie de la matinée à assembler les vélos. Ils n’ont pas l’air d’avoir souffert du voyage et d’une manutention parfois un peu brutale dans les aéroports et les gares routières.
Une fois l’opération terminée, nous entamons un premier tour d’essai dans les environs. Une petite ballade d’une vingtaine de kilomètres, jusque Aituy, à travers un paysage où alternent campagnes ondoyantes et bord de mer houleuse et grise. Aituy est un modeste hameau sans véritable « centre » : Quelques maisons de bois dispersées, une école et une église perdue au milieu d’une vaste clairière. Nous pique-niquons au bord de la mer et observons un ballet de toninas (une variété de dauphin) pas très loin de la rive. Nous jouons quelques parties de cache-cache avec Pablo dans les bosquets environnants puis reprenons le chemin en sens inverse.
De retour chez le Padre, Marie-Hélène se rend compte qu’elle a perdu un de ses sacs, sans doute mal arrimé au porte-bagage. Cela va être embêtant pour la suite des évènements.
Jamais à cours d’idées, Joseph lance un appel depuis son poste émetteur et invite tout qui trouverait l’objet à le rapporter à l’église. Moins de deux heures plus tard, un camionneur, rayonnant, sonne à la porte de la cure avec le fameux sac en main. Fameux coup de bol et peut-être un heureux présage pour la suite du voyage !.
Ce soir le Padre nous invite à la fête de l’école paroissiale. Une soirée se déroulant dans le petit hall omnisports de l’endroit et au cours de laquelle alterneront pendant près de 3 heures, saynètes, chansons et ritournelles enfantines. Dans la salle bondée, le maire et ses adjoints, le responsable de la police en uniforme et quelques religieuses, placés au premier rang applaudissent à tout rompre en écrasant de temps à autre une larme d’émotion.

Jeudi 27 et vendredi 28 novembre.

Poursuivons consciencieusement notre entraînement cycliste dans les environs. Comme il se doit, le temps est toujours aussi imprévisible. Bien que nous soyons pratiquement en été, le vent et la pluie sont au rendez-vous pratiquement quotidiennement. Parfois une éclaircie survient au moment le plus inattendu. Le paysage se pare alors d’une lumière littéralement éblouissante et magique.
A présent, et comme nous nous sentons prêts, nous avisons Joseph de notre souhait de commencer notre périple vers la Carretera dés demain matin. Aussi, en guise d’adieu à nos hôtes, nous nous proposons de préparer le repas du soir : une potée aux carottes avec de la saucisse, le tout accompagné d’une bonne bouteille de bière blonde de table. C’ est à la fois très simple…et très liégeois. En tous cas, ça à l’air de rappeler de bons souvenirs à Joseph. Quant à Bernardita, la robuste gouvernante chilote du Padre, elle s’est resservie au moins trois fois. Cà change un peu des algues et des coquillages !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Salutations ixelloises !

Anonyme a dit…

Salutations bassi-mosanes, et à bientôt (J'ai passé une excellente après-midi hier en ta compagnie, à charge de revanche!!!)