02 avril, 2008

Chili, des photos, des légendes...(7)

Iquique, la guerre du Pacifique et les cités fantômes…(1)

Les noms de rues, les monuments et les statues des places sont des indices parfois bien utiles pour comprendre et s’immerger dans l’histoire d’une ville ou d’une région. Lorsque l’on se promène à Iquique par exemple, il est frappant de constater qu’une série de noms revient constamment. Ils sont autant de clés permettant d’entr’ouvrir les portes de cette cité qui, en apparence, ne pourrait être que balnéaire. Il y a la place Condell, les rues Baquedaño, Esmeralda ou Covadonga et, évidemment le fameux Arturo Pratt qui à lui seul baptise le môle, une place , l’université et, insigne honneur, a sa réplique grandeur nature face aux eaux vertes et tranquilles de la plus belle plage de la cité : la plage de Cavancha. « Qui ne connaît Cavancha ne connaît Iquique, proclame d’ailleurs les prospectus touristiques ».

Parlant d’Arturo Pratt, précisément, on ne peut évoquer la personnalité de ce militaire sans aborder le contexte historique pour le moins bousculé dans lequel il s’illustra.
Avant 1879, la configuration du Chili n’était pas encore celle qu’on lui connaît actuellement. Son voisin nordique, à l’époque, était la Bolivie qui occupait l’actuelle province chilienne d’Antofagasta. Une province stratégique pour ce pays altiplanique car elle lui permettait d’avoir son unique accès à la mer. Plus au Nord encore , à hauteur d’Iquique commençait le territoire péruvien. Des délimitations faisant de longue date l’objet de controverses car, bien que totalement désertiques, ces régions recelaient non seulement d’importants gisements de guano mais aussi d’argent et surtout de nitrate et de salpêtre. Ce dernier était utilisé pour la fabrication d’engrais (pour l’exportation européenne) et de poudre à canon. Une partie importante de l’économie chilienne reposait alors sur les bénéfices engendrés par l’exportation des nitrates.
A l’époque, le Chili avait même largement empiété sur le territoire bolivien pour installer des sièges d’exploitation de salpêtre moyennant versement d’importantes compensations financières à son voisin nordique.
C’est lorsqu’en 1879, le gouvernement de La Paz décide d’augmenter considérablement ces taxes d’exploitations que le Chili trouve le prétexte idéal pour envoyer manu militari son armée et s’octroyer du même coup -et définitivement- cette zone stratégique. Le Pérou, allié historique du Chili depuis les luttes d’indépendance tenta d’intervenir en médiateur mais en vain. Un pacte secret unissant la Bolivie au Pérou fut découvert et le Pérou devint, dans la foulée, un ennemi de plus à chasser hors des terres à nitrates.
Pour conquérir les territoires boliviens puis péruviens, la stratégie choisie par l’armée chilienne consistera à choisir la voie maritime et à faire débarquer ses troupes chaque fois un peu plus au Nord de la région à investir et ainsi l’isoler de ses sources de ravitaillement. Cette technique, nécessitant la suprématie en mer, engendra une série invraisemblable de combats navals et le conflit fut naturellement « baptisé » Guerre du Pacifique. Parmi ces combats, celui dit « d’Iquique » fut mémorable. Il se déroula le 21 mai 1879 lorsque deux navires péruviens tentent de forcer le blocus chilien qui durait depuis plus d’un mois et demi déjà. Un premier bateau chilien (l’Esmeralda, une vieille corvette en bois !) sera d’ailleurs coulé après, dit-on, un combat héroïque et une grande partie de son équipage va périr de même que son capitaine Arturo Pratt. Se sentant pousser des ailes par cette première victoire, les militaires péruviens tente de réserver le même sort au deuxième navire chilien assurant le blocus. Celui-ci (Le Covadonga) commandé par l’Amiral Carlos Condell parviendra cependant à entraîner son rival péruvien (l’Independencia, un bateau plus moderne, en acier …et plus lourd) vers les hauts-fonds et le fera s’échouer. Le vent avait de nouveau tourné et les chiliens reprenaient le dessus….. La victoire leur reviendra définitivement en 1881.A l’issue de cette guerre, la Bolivie aura perdu définitivement ses gisements de nitrate et surtout, son accès à la mer. Quant au Pérou, il aura même vu les troupes chiliennes, dans une démonstrations des plus mata mauresque s’avancer jusqu’à sa capitale, Lima ! C’est aussi au cours de cette guerre et dans le contexte chaotique l’entourant qu’un homme d’affaire britannique, John North, va acquérir l’immense partie des gisements de salpêtre de la région. On dit d’ailleurs de lui qu’il fut le véritable vainqueur de la Guerre du Pacifique, sans tirer une seule balle ! (d'après carnet de voyage de novembre 91)



(représentation "artistique" de la bataille d'Iquique, avec à gauche, la corvette Esmeralda en train de sombrer)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Des guerres stupides pour le contrôle de ressources naturelles... On pense aussi à la tragique guerre du Chaco, dans les années 30, entre la Bolivie et le Paraguay, pour le pétrole.
De quoi justifier des monuments pompeux dans chacun de ces pays, arc-boutés sur des victoires ou des défaites bien tragiques.