18 avril, 2007

Carretera austral (11)

Jeudi 25 décembre 1997

Une équipée familiale et vélocipédique à travers la Patagonie chilienne.

Illustration sonore avec le groupe "Intiwayna" (de Cohaique) et le titre "Colonos, camino al cielo"


Balmaceda. 0 km.

Nous nous éveillons les premiers. La cuisinière est éteinte. Il fait froid. Dans la petite buanderie attenante à la maison, je trouve quelques grosses bûches que je m’empresse de fendre à la hache. Nous rallumons le chauffage et commençons à mettre un peu d’ordre dans la maison.
Entre temps, Madame Borquez s’est levée. Sa première activité sera de chauffer l’eau et préparer le maté que nous partagerons ensuite avec un quignon de pain. Notre hôte nous explique qu’elle sera absente toute la journée. Elle doit se rendre Dieu sait où, quelque part dans la pampa, du côté argentin et qu’elle en profitera pour faire un détour jusqu’au rio pour tenter de pêcher quelque chose. Décidément très attentive, Madame Borquez a remarqué que nous n’avions presque plus de tabac. « Je vais essayer de vous en trouver, nous dit-elle, en Argentine, c’est beaucoup courant qu’ici ».
Pour nous, ce sera une journée de relâche entrecoupée de moments de lecture, de courrier, de mise à jour de ce journal et de balades dans les alentours. A l’extérieur, le ciel est de nouveau bien dégagé mais le vent est toujours aussi violent. Cet après –midi, en me promenant dans le village, une vieille dame m’a d’ailleurs hélé de l’autre côté de la rue. Elle voulait que je l’aide à traverser. « Il y a trop de vent aujourd’hui, j’ai peur d’être emportée, tenez moi le bras me dit-elle ».
Je terminerai la promenade du jour par une visite de la cafétéria du petit aéroport local. Les tables sont en formica, le comptoir et les tabourets ont un joli design contemporain et la serveuse bien sanglée dans un petit uniforme parfaitement taillé. Une musique atmosphérique baigne l’ensemble et un écran digital informe les voyageurs des prochains vols. Bien que pour l’instant, rien ne soit encore affiché. Bref, un étonnane bulle de modernité dans cet univers rustique à souhait.
Pablo commence à aller mieux, il ne tousse déjà presque plus. Il s’amuse comme un fou avec les petits diables de la maison et tout particulièrement avec Yasna, la plus jeune des filles Borquez, dont il est déjà devenu le petit copain privilégié.





Vendredi 26 décembre 1997

Toujours à Balmaceda. 0 km.

Nous nous installons peu à peu dans une étrange torpeur. Peut-être sommes-nous prisonniers à notre insu de la famille Borquez. Ou alors, est-ce cette hypnotique pampa qui nous a pris en otage ? Ici, le temps ne compte plus et dans cette maison, l’anarchie est totale. Les enfants et le vent sont les seuls maîtres du jeu. Entre le maté, les cigarettes et les repas pris aux heures les plus saugrenues, il me semble que nous nous enfonçons irrémédiablement dans une incomparable langueur australe ! Si nous devions rester quelques jours de plus ici, il est probable que notre projet d’atteindre la limite de la Carretera austral s’enliserait à tout jamais. Madame Borquez vient déjà de nous proposer de passer le réveillon de fin d’année avec eux.
Il s’en est fallu de peu pour que l’on accepte.
Il est 19h30.
Madame Borquez et sa fille aînée sont en train de préparer des empanadas. On ne sait trop si c’est pour le goûter ou le repas du soir. Un enfant galope le cul nu dans la cuisine. Un autre se tartine un morceau de pain sec d’une épaisse couche de mayonnaise. (C’ est tout ce qu’il y a dans le frigo). Là, un gamin rampe sur le meuble de l’évier pour se remplir un verre d’eau. La fille cadette, déjà affalée dans son lit, est absorbée par une série américaine. Pendant ce temps, deux ou trois petits voisins font les dingues en sautant d’un fauteuil à l’autre. Deux chats et un chiots se disputent les restes d’un précédent repas tombés sur le sol. C’est hallucinant. Au dehors la tempête continue à sévir sans faiblir.
Voilà qu’à présent l’huile commence à crépiter dans la poêle et les bouilloires se mettent à fumer. Les empanadas s’amoncellent dans le plat de plastic…comme les nuages au loin sur la Cordillère.
Un singulier parfum est en train d’envahir la pièce : comme promis, Madame Borquez a effectivement trouvé du tabac en Argentine. Mais en chemin, le paquet s’est ouvert et s’est mélangé à une truite fraîchement pêchée. Nous l’avons donc mis à sécher (le tabac, pas la truite) sur la cuisinière. Ce qui donnera, au final, l’ impression d’inhaler de la truite fumée !



(Balmaceda, une chevauchée sur un balai)

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour connaitre un pays, il faut
côtoyer ses habitants, comme vous
l'avez fait.
Votre fils a de la chance!

Puis on ne fume pas de la truite
tous les jours!
Roulée je veux dire!

Anonyme a dit…

Dieu merci, la truite fumée ne produit aucun effet secondaire et n'est pas hallucinogène!!!

Anonyme a dit…

Magnifique ! On se croirait vraiment dans un film.
Notamment dans la première image.
As-tu vu les films de Carlos Sorin, un Argentin, qui se déroulent en Patagonie ? "Historias minimas" et "Bonbon, el Perro" ? De petites merveilles !

Anonyme a dit…

J'ai entendu parler de "Bonbon, el perro". Et Marie-Hélène me dit à l'instant qu'on peut l'obtenir en prêt à la Médiathèque. Je vais essayer de me le procurer la semaine prochaine. A bientôt, amitiés,

Wichita Caulking a dit…

Hi thanks for possting this