20 octobre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (14)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée d' Ouest en Est de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche....


Mercredi 11 et jeudi 12 (Ile de Taquile/Pérou)


Comme une parenthèse magique avant de quitter le Pérou, ces deux journées sont consacrées à un périple hors du temps, loin du chaos et des villes, des rumeurs de violence, du désordre et de la misère généralisée.
Cette exception, ce havre de douceur et de paix s’appelle Taquile, une île située à environ trois heures de navigation au départ de Puno.

Dans la petite barque à moteur, vraisemblablement barrée par l’arrière-arrière-petit neveu de Manco Capac, nous sommes une petite douzaine de voyageurs à avoir pris place. Ceux-ci, pour la plupart, ne resteront que quelques heures sur l’île, pressés par le timing d’un tour organisé.

Les autres, c’est à dire Erin, Alain, Marie-Hélène et moi-même, avons décidé d’y séjourner au moins deux jours et deux nuits.

Certes, l’île n’a pas l’air très vaste et sans doute en aurons nous fait le tour en quelques heures, mais nous pressentons comme une sorte d’onde positive, à la fois attirante et mystérieuse, qui émane de ce bout de terre perdue au cœur du lac Titicaca.

Avant d’y poser le pied, une courte étape est prévue à quelques encablures seulement de notre point de départ. Nous accostons sur ce que certains ici appellent les îles flottantes. Il s’agit de curieuses plates-formes artificielles constituées d’amas de joncs.
Pour le seul plaisir des touristes (et la vente d’objets artisanaux, également en joncs), quelques familles y vivent pendant la journée et ont reconstitué le mode de vie et les habitations des Uros, une ethnie amérindienne aujourd’hui disparue mais que les guides persistent toujours à présenter comme de « véritables » Uros.
Ce qui semble par contre authentique et remarquable, c’est ce savoir-faire que les habitants des lieux ont admirablement perpétué : la fabrication des fameux radeaux en joncs tressés.

Ces embarcations dont l’ anthropologue norvégien Thor Heyerdahl s’était inspiré pour mener à bien la construction de son bateau (le Kon Tiki) en 1947 et tenter de prouver que des peuples amérindiens avaient pu découvrir -voire coloniser- des territoires dans le Pacifique sud et notamment l’Archipel des Tuamotu (situé à plus de 5000 kilomètres des côtes péruviennes) que l’anthropologue atteindra par ailleurs à bord de son radeau au bout de trois mois de dérive.

Voici enfin Taquile.
Le bateau accoste à l’ombre d’ un modeste quai où quelques personnes attendent de décharger des produits venant de la ville.
Les bidons d’huile, les tonneaux de pétrole, les sacs de farine, les casiers de boissons sont aussitôt arrimés sur le dos des hommes.
Avant d’atteindre le village, il reste en effet plus de 500 marches à gravir par un escalier monumental taillé dans la roche.

Le village est tout petit et s’articule autour d’une place en terre battue. On peut voir la mairie, l’église -avec son clocher séparé du corps-, la coopérative agricole et artisanale, un petit commerce faisant office de café et sa terrasse composée de quelques tables et chaises dépareillées.

Dans la campagne alentours on aperçoit des maisonnettes en terre séchée et des cultures de pommes de terre ou de quinoa s’étageant en terrasses harmonieuses jusqu’aux rives du lac.
Pour les deux jours à venir, nous serons logés dans une de ces minuscules cabanes que nous allons partager avec le couple belgo -australien rencontré la veille.

Il n’ y a ni eau, ni électricité. D’ailleurs, dans le village, l’éclairage public ne fonctionne que très occasionnellement, lors des jours de fête par exemple. Pour ce qui est de la toilette, cela ne pose pas grand problème puisqu’il y un puit à proximité.
Pour pallier à l’absence d’éclairage, il suffira de regagner sa paillasse avant le coucher du soleil et ainsi éviter de s’égarer la nuit venue.

Pour le reste, et pour les jours à venir, on se contentera d’adopter le mode vie tranquille et serein des habitants de l’ île. Ainsi, lorsque les hommes sont revenus des champs, il est fréquent de les voir se promener calmement… en tricotant !
Les jeunes comme les vieux sont visiblement passés maîtres dans cet artisanat.. Les femmes, en revanche, se consacrent plus volontiers au filage de la laine qu’elles effectuent au moyen d’un curieux ustensile en bois ressemblant à une toupie.

En fin d’après-midi, une autre coutume bien ancrée est celle de la partie de volley-ball.
Vers les quatre heures, la place se remplit comme par enchantement et les hommes y dressent au beau milieu un grand filet.
Les équipes -masculines, féminines ou mixtes- se forment aussitôt et les matchs de se disputer jusqu’à la nuit tombée devant un public enthousiaste.

Comme partout ailleurs, la suite se déroulera au café -le seul et unique- du village où chacun ira de son commentaire sur les performances (ou maladresses) de tel ou tel joueur, la forme (ou la méforme) de telle ou telle joueuse. Le tout sur fond de musique crachotée par un transistor antédiluvien et dans la lumière vacillante d’une lampe à pétrole que la patronne n’a de cesse de ranimer


















(Partie de volley à Taquile)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Un petit coin de paradis frugal...
La première photo, celle de l'île avec les nuages est une véritable splendeur onirique !

Anonyme a dit…

Onirique est le mot juste! Cela doit être dû à cette qualité de lumière, à cette pureté de l'air et aussi.....à ce silence incomparable. Evidemment, c'était il y a 20 ans, je ne sais si cela a perduré. Ce serait intéressant d'avoir le commentaire de quelqu'un qui y est allé récemment!