27 mars, 2008

Chili, des photos, des légendes...(6)

Une belle journée à Visiviri...(Grand Nord chilien/Altiplano)

(Epicerie dans la puna, quelque part entre Visviri et Putre)
« Dès le départ, j’ai trouvé ce travail follement amusant ! D’abord, on rencontre des tas de gens formidables et puis surtout….manipuler autant d’argent, c’est vraiment très excitant !
-L’autre jour, un monsieur est venu jouer 15.000 pesos et en moins d’un quart d’heure, il est reparti avec dix fois sa mise ! ».
Celle qui s’exprime ainsi s’appelle Marisol. Elle est plutôt jolie avec sa mini-jupe noire, son chemisier blanc satiné et son petit nœud papillon. Depuis un mois, elle fait partie des « nouveautés » du casino d’Arica. En cette fin d’année, le prestigieux édifice a décidé de frapper un grand coup en embauchant un staff de superbes « croupières » dont la tâche sera d’encourager les joueurs à s’aventurer aux tables de « 21 » et de « crap »….
On n’en saura pas plus de cette petite révolution car l’article n’est pas complet… et pour cause. Il a été grossièrement découpé hors d’un journal local et déposé en guise de papier hygiénique dans les toilettes du « Rancho Ferroviar », la cantine jouxtant la gare de Visiviri.

A Visviri, tout est pauvre et désolé. La ville, la gare, le resto, ses W.C. …et lire une telle littérature dans un lieu aussi peu « glamour » confine au surréalisme.
En fait, tout ce qu’il y a à dire de Visviri se trouve imprimé sur une plaque métallique vissée sur le mur de la gare: « Visviri- altitude 4500 mètres- 1800 habitants » En dessous de ces informations laconiques, une sentence a été ajoutée « La drogue détruit l’homme ».

Au Nord, à moins de dix kilomètres de la petite ville, commence le Pérou. A l’ Est, la Bolivie est à peine plus lointaine. L’endroit est sans doute stratégique pour les narco-trafiquants mais en réalité je me demande si Visviri, la ville la plus nordique du Chili, existe vraiment. C’est juste un point sur un atlas. L’illustration parfaite de la cartographie illusoire. Les points et les lignes symbolisant les villages, les routes, les chemins de fer n’existent semble-t-il que pour combler les vides inquiétants d’une mappemonde que l’homme voudrait rassurante, familière et conquise.

C’est curieux cette habitude d’ imaginer (ou de souhaiter) une ville ou un lieu digne d’intérêt sous le seul prétexte que sa situation est aux confins d’une carte, au centre géographique d’un pays ou encore à l’intersection d’un méridien et d’un quelconque tropique. C’est qui est sûr, ce que Visviri porte bien son nom -encore que ce toponyme aurait très bien pu baptiser n’importe quel autre village de la puna- : en Aymara, Visviri signifie « la terre des vents ».
Ici, même dans les toilettes sordides de la gare où je me trouve, on n’est pas à l’abri. Des rafales précises et cinglantes s’infiltrent dans les moindres imperfections de la toiture.
A travers les fentes de la porte, tout ce que je peux voir sont ces passants échevelés traversant les rues poussiéreuses avec l’empressement ahuris de ceux qui cherchent un abri avant le bombardement.
Si nous nous trouvons à Visviri, c’est que Manuel Rios, l’instit’ de Guacoyo, nous avait recommandé l’endroit. Il y avait un ami qui, disait-il, pourrait nous faire connaître les environs et même nous loger un moment. Il s’agissait du médecin de la ville.
Mais arrivés à sa porte, un papier indiquait qu’il était en tournée dans les villages alentours et qu’il ne serait pas de retour avant deux ou trois jours. Heureusement, Manuel nous avait donné le nom d’une autre personne qui pourrait, le cas échéant, nous aider. Il s’agissait d’Omar Calderon. Jeune homme de 27 ans, fraîchement promu chef d’une gare où il n’y avait guère plus d’un convoi par jour, dont l’ « International Arica-La Paz ».L’homme, nous avait dit Manuel, avait accepté ce poste car 160.000 pesos mensuel était garanti. Un beau salaire comprenant une prime d’éloignement et une prime…..d’ « altitude » !

Nous rencontrâmes Omar au bar de la cantine ferroviaire.
C’ était un homme jovial, et, comme l’instituteur de Guacoyo, l’idée de partager un repas avec des gens de passage n’était pas pour lui déplaire.
Son bagou et sa bonne humeur feront même passer la chair coriace de ce vieux lama que l’on venait de nous servir ainsi que ce crapuleux vin glacé, présenté comme d’habitude dans un austère carton d’un litre.
Comme nous parlions français, le chef de gare crut que ça nous intéresserait d’avoir quelques nouvelles fraîches de France : « Vous avez vu dans le journal :Yves Montand est décédé hier ! ». Pour confirmer l’information Omar dépliait déjà le tabloïd. On y voyait une photo inattendue du « Galan francès » (le play-boy français) . Elle n’était pas extraite d’un de ses films ou prise lors d’un concert mais bien à l’occasion d’une visite de l’ artiste, il y a quelques années, dans le quartier populaire de la Victoria à Santiago. Un lieu tristement célèbre pour avoir subi à l’époque de Pinochet de sanglantes exactions.


« Le seul endroit de la ville un peu acceptable pour des touristes, c’est chez le vieux Lalo. Il faut connaître. Il n’y a même pas d’enseigne, je vais vous y conduire, lâcha Omar en avalant son dernier morceau de lama».

La pension ressemblait furieusement à un débarras dont le délabrement général n’avait d’égal que le vieillard édenté qui la gérait. Il y avait dans cette pièce qui ressemblait à un dortoir une dizaine de lits superposés garnis de matelas troués et maculés de taches suspectes. Le plafond était constitué de tôles déglinguées et une bonne partie du plancher avait disparu. Sans doute brûlé un jour de grande froidure. L’installation sanitaire se résumait quant à elle à un puit d’où l’on pouvait extraire l’eau au moyen d’un bidon attaché à une corde.
Un dispositif inutilisable car au matin, le gel rendait la corde plus raide encore qu’un câble d’acier !….

Cette nuit sera aussi très étrange.

Par je ne sais quel phénomène physique dû probablement à l’altitude et aux hautes pressions atmosphériques, l’air était comme saturé d’électricité statique. Le moindre mouvement de tête sur l’oreiller synthétique provoquera une véritable « décharge » dressant non seulement les cheveux sur la tête mais surtout nimbant le visage d’une sorte d’aura des plus irréelles.
Peut-être faudrait-il chercher de ce côté pour trouver une explication plausible aux saintes auréoles?



Avant de boucler ce circuit à travers la puna « nordique » et regagner Arica, nous avons décidé d’une dernière étape dans le petit village de Putre. Au départ de Visviri, il n’ y a qu’une centaine de kilomètres à parcourir vers le Sud-Ouest, mais la piste est mauvaise et le chauffeur du bus choisira un itinéraire –apparemment- des plus fantaisistes.

Comme ce bus vient de Bolivie, il doit, avant de reprendre sa route, se soumettre ici à une série de formalités douanières tatillonnes et à une fouille minutieuse. Celle-ci, comme on s’en doute, se révèlera peu fructueuse, excepté la découverte (et la confiscation immédiate) de quelques malheureuses bananes oubliées dans les bagages d’une paysanne bolivienne distraite. (L’importation au Chili de denrées alimentaires fraîches est soumise à une réglementation très sévère).

C’est dès après l’embarquement des passagers que le voyage prendra une tournure singulière. A peine une demi-douzaine de kilomètres plus loin, le chauffeur entamera un circuit compliqué dans l’écheveau des pistes locales où, presqu’ à chaque croisement, des cyclistes chargés de balluchons les plus divers attendent et font signe au chauffeur d’arrêter. Le scénario est bien rôdé : le bus s’immobilise quelques secondes et les ballots sont aussitôt jetés par les portes entr'ouvertes.
Les colis sont à peine réceptionnés que le bus redémarre en trombe. C’est alors que des passagères se précipitent sur les paquets pour les ouvrir et en sortir des vêtements en cuir flambant neufs -essentiellement des vestes en provenance d’Argentine-. Chaque femme en enfilera deux ou trois, l’une sur l’autre, puis réajustera sur le tout un grand poncho d’alpagua en guise de camouflage. En quelques minutes, ces femmes auront pris une sacré tour de taille mais qu’importe, l’ « Opération Cuir d’Argentine » a une fois de plus remarquablement bien fonctionné…au nez et à la barbe des douaniers…..


Le reste du voyage se déroulera normalement, exception faite d’une crevaison un peu avant le terme de cette étape.



Putre est un petit village bien situé. Il est entouré de montagnes et est épargné des grands vents altiplanesques. Les gelées nocturnes semblent aussi moins intenses et l’infrastructure générale est plutôt bonne. Il y a même un bureau des postes et de téléphone ainsi qu’une succursale de la Banque du Chili. Un tout nouveau bâtiment dont l’architecture est inspirée des constructions traditionnelles aymara avec les murs en adobe et le toit recouvert de chaume.


A environ cinq kilomètres en dehors du village, par un sentier chaotique longeant un ravin on peut aussi accéder à un lieu magique. Au pied d’une falaise d’aspect crayeux, des hommes ont dessiné il y a six ou huit mille ans avant notre ère un vaste tableau aux couleurs rouges et ocres figurant une scène de chasse sans doute mémorable. On y voit des lamas ou des vigognes par centaines, une quantité de personnages dans différentes positions et des nuées de signes cabalistiques étranges…On regarde tout autour de soi…. et l’on se dit que le paysage, depuis lors, n’a pas peut-être pas beaucoup changé.



(Paysages près de Putre)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Trés beau reportage!! merci...

-Bernard- a dit…

Merci également pour votre commentaire! Je suis à l'instant en train de découvrir votre superbe site...j'y reviendrai

Bernard

Anonyme a dit…

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