19 janvier, 2007

Courage, fuyons....Noël (3)

Dimanche 24 décembre 2006 (suite)

La vedette incontestée de Prague (du moins sur les prospectus touristiques) est le fameux pont Charles. Un édifice construit en 1347 enjambant la Vltava de ses 5 arcades et unissant la vieille ville au quartier Mala Strana, au pied du Château royal. Ce pont pavé, exclusivement piétonnier, est bordé de sculptures religieuses. En cette saison, c’est le rush et des milliers de touristes s’y engouffrent en tous sens, un gobelet de vin chaud à la main. Ils se font photographier ou lisent, parfois à haute voix, les commentaires de leur guide tantôt en japonais, tantôt en anglais, en français, en allemand ou encore en hébreu.

Tous les 10 mètres, des échoppes proposent aux badauds trente six sortes de souvenirs : des portraits réalisés en 8 minutes par un caricaturiste, des vues du pont réalisées à l’huile, au crayon, au fusain, des photos artistiques de ce même édifice vu de nuit, du ciel, d’en bas, de côté, le matin, dans la neige, au printemps et surtout…. sans jamais le moindre passant. Mais quand ont-ils pu prendre ces photos, nom d’une pipe ?

Le soir nous sommes bien décidés à tester les spécialités locales pour « le dîner de réveillon ».
Nous aboutissons finalement dans un resto mexicain, le seul où toutes les tables n’ont pas encore été réservées.

L’avantage de cet établissement est que la carte est bilingue tchèque-espagnol, l’inconvénient est cette salsa débridée et tonitruante débitée tout au long de la soirée. Nous passons néanmoins un très bon moment. Après tout, çà nous rappelle un peu l’Amérique du Sud.
Retour à l’hôtel en tram puis un petit coup d’œil sur le programme de la télé nationale. On passe en ce moment l’ « Age de Glace 2 », version tchèque bien entendu. Nous avions vu le « 1 » il y a quelques mois dans l’avion qui nous ramenait du Chili. Cette fois là, c’était en portugais.
J’espère voir un jour ce film en français, ça à l’air gai.
En attendant nous irons nous coucher. Il est 21h30. Joyeux Noël !



Lundi 25 décembre 2006

A 7 heures et demie, on frappe à la porte. C’est déjà le petit-déjeuner que l’on dépose sur le palier. Café, thé, petits pains, barquettes de marmelade, fromage fondu et beurre. C’est suffisant.


De notre chambre du 4e étage, j’observe le paysage. Il fait froid et gris ce matin. La fenêtre donne sur une cour entourée de garages et l’on voit l’arrière d’une rangée d’immeubles un peu décrépis. La plupart des appartements semblent encore endormis. Les rideaux sont toujours tirés. J’ai l’impression de ressentir la moiteur de ces chambres où des familles sont tombées en léthargie une fois les agapes terminées et les dernières bouteilles de « slivovice » achevées. D’ici, je crois respirer une odeur de cuisine et de tabac froids, peut-être aussi de bougies ou de parfum, sans doute celui de la tante Olga, si capiteux.
Peut-être que dans cette mansarde un enfant est déjà debout. Sans bruit, pour ne pas réveiller ses parents, il essaie le jeux qu’on lui a offert la veille.
Tiens, là-bas, ça bouge. On distingue par intermittence une lumière jaune. Celle d’une ampoule nue. Un chat s’amuse avec la tenture. J’aperçois par l’entrebâillement une femme en peignoir allumant sa première cigarette.

Passons la journée à déambuler dans les rues de la ville. Il n’y a pas encore trop de monde ce matin, sauf au cimetière juif que nous avons justement projeté de visiter. Là, il y a déjà une file de 30 ou 40 personnes. C’est un curieux sanctuaire que ce cimetière dont les pierres tombales se sont accumulées, par couches successives et au fil des siècles pour former aujourd’hui un inextricable labyrinthe. La brume de ce matin ajoute un peu plus de mystère encore à ce singulier jardin lapidaire au désordre savamment orchestré.


Avant la visite du site, les touristes sont invités à se couvrir d’une petite kippa en carton que l’on peut acquérir en échange de quelques couronnes (la monnaie, pas la coiffe !). Une kippa, que l’on recommande par ailleurs de rendre à la fin de la visite (Les couronnes n’étant pas restituées)

Jouxtant le cimetière, un bâtiment, autrefois synagogue, fait aujourd’hui office de petit musée terriblement perturbant. Son thème central est « L’acte créatif dans les situations extrêmes ». On peut y voir des centaines de dessins et de peintures réalisés par des enfants détenus dans les camps de concentration. A côté de chaque œuvre, un nom, un prénom et une date, celle du décès de l’auteur : 1942, 1943,1944…Ils avaient 8, 10, 12 ans. Parfois, deux mots sont accolés aux dessins : « a survécu ».
Ce sont des oeuvres d’une vigueur inouïe qui racontent la vie dans les camps. On reconnaît de sinistres wagons de chemin de fer, des cheminées fumantes, des prisonniers au travail, et puis soudain, contre toutes attentes : un arc en ciel, une fleur, le portrait un peu maladroit d’un être cher et souriant…

De retour au centre-ville, Marie-Hélène me fait remarquer qu’il n’y a aucun tzigane ou gitan dans les rues. C’est vrai que cela correspond sans doute à une idée préconçue, comme une sorte d’image d’Epinal, mais on s’attendait, comme dans certains pays balkaniques, à en rencontrer un peu partout jouant de la musique, improvisant dans les bars, les caves et autres brasseries enfumées comme il y en a tant ici. Mais peut-être sommes- nous encore un peu trop sous le coup du dernier film de Tony Gatlif « Transylvania », que nous avions vu quelques jours auparavant.

On finit par supposer qu’il y a probablement une politique draconienne en matière de « vagabondage » dans cette ville décrétée « Patrimoine de l’ UNESCO » où tout doit forcément être exempt de « tache». Même les mendiants sont rares ici. A moins qu’ils ne soient particulièrement mal venus. Cet après-midi, j’en ai quand même aperçu un tout près du pont Charles, à quelques mètres du « Musée de la Torture ». Il avait adopté une pose curieuse pour quémander quelques pièces. A genoux, le corps prosterné vers le passant, comme dans une attitude de prière, son visage était littéralement écrasé contre le sol et seul émergeait de cette masse informe un malheureux gobelet « Mac Donald » en guise de sébile. J’ai à peine eu le temps d’observer la scène qu’un policier, surgi de nulle part, mettait fin aux agissements de l’homme en l’évacuant manu militari.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Avant de lire le reste de ton billet, mon attention est attirée par "des photos sans le moindre passant (sur le pont Charles). Mais comment ont-ils pu faire ces photos nom d'une pipe ?".
Je dirais : ben, à l'aube ! Les touristes ne sont pas des lève-tôt. J'ai ainsi vu la place Saint-Marc à Venise presque déserte, avec juste deux ou trois Vénitiens prenant leur expresso matinal, quelques fonctionnaires traversant la place cartable au bout du bras...