21 septembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (5)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée longitudinale de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge,vélo et marche...

Mardi 27 octobre (Nazca/Pérou)

Comme convenu la veille, l’associé de notre hôtelier nous embarque dès l’aube pour une visite guidée des environs. Au programme : les incontournables géoglyphes de Nazca. Nous n’avons pas pu nous payer l’avionnette pour survoler le site –idéal mais hors de prix !- alors nous le visiterons en voiture.
Tant pis.
Après tout, Maria Reiche confiait lors de sa conférence qu’elle avait effectué l’ ensemble de ses observations du haut d’un escabeau ! Nous découvrirons donc le site à bord de la Dodge millésimée d’Armando, notre guide du jour. Son véhicule vaut déjà le détour et constitue en soi une véritable relique digne d’attention. Le compteur affiche au moins 5 tours du monde, la carrosserie a été repeinte au moins autant de fois (au pinceau !) et s’il y a pas mal de jeu dans la direction, ce n’est pas très grave: « Dans le désert, c’est toujours tout droit, dixit Armando ! »
Au bout d’une demi-heure de route -direction plein nord- nous aboutissons au sommet d’un promontoire d’où une série de dessins enchevêtrés et de lignes apparaissent de manière précise. On peut y reconnaître une algue, un singe mais aussi une sorte d’humanoïde agenouillé dans une posture évoquant la prière ou l’incantation.
Motifs s’étalant chacun sur des centaines de mètres carrés et ce, sans la moindre distorsion ni erreur de perspective (photo). Là, résident précisément tout l’art et le mystère des Nazcas. Armando déplore cependant l’inconscience de certains touristes qui ne craignent pas de piétiner voire de rouler sur le site en 4x4, détruisant et brouillant ainsi irrémédiablement les lignes et les dessins millénaires.
L’après-midi sera consacrée à la visite d’une série de sites peut-être moins impressionnants mais tout aussi intéressants. Comme cette singulière oasis irriguée par un réseau de canaux construits, eux aussi, par les Nazcas. Ces canaux sous terrains -creusés à une profondeur de 8 à 10 mètres- sont accessibles par une série d’ouvertures en spirale pratiquées à intervalle régulier. Ouvertures destinées à y puiser l’eau mais aussi à l’entretien des canaux où coule, dit-on, une eau d’ une pureté incomparable.
L’ensemble de cette infrastructure est toujours opérationnel aujourd’hui et est utilisé par les agriculteurs de la zone pour irriguer, notamment, les champs de coton. Une variété dont les fleurs ont ici, en cette saison une belle teinte jaune ou orange (blanche aux Etats Unis) . Leur récolte serait surtout destinée au marché européen et tout particulièrement anglais.
Le retour à Nazca, en fin d’après midi, s’effectuera moyennant un dernier détour via Chauchilla. Un lieu assez perturbant puisqu’il recèle sur plusieurs kilomètres carrés une vaste nécropole Nazca dont, hélas, les ultimes vestiges (ossements, momies, tissus, bandelettes, etc…) gisent lamentablement sur le sol, dépouillés des ornements qui les accompagnaient vraisemblablement. Conséquence de pillages et de « recherches archéologiques » sans scrupule. Pendant près d’une heure, nous déambulons ainsi au milieu de squelettes (dont certains sont dans un état de conservation remarquable), de crânes (portant parfois encore leurs cheveux) et de membres (sur lesquels des lambeaux de peau séchée adhèrent encore). J’ en arrive à me demander si les truands de l’endroit ne profitent pas de ce singulier cimetière à ciel ouvert pour y « mêler » adroitement quelques corps fraîchement trucidés.
La scène n’en est que plus inquiétante en cette lumière rougeoyante de fin de journée.
Nous regagnons Nazca un peu perturbés par ces images à la lisière du cauchemardesque lorsque, soudain, le véhicule d’Armando est stoppé par un convoi carnavalesque. C’est la fête à Nazca !
Parmi les groupements en costumes traditionnels, un attire plus particulièrement notre attention : les membres de cette société sont déguisés en Schtroumfs ! Petits shorts blancs sur pantys bleus, tuniques bleues et bonnets blancs, excepté le meneur, évidemment, exhibant le couvre-chef rouge du grand Schtroumf. Pas de doute possible, il s’agit bien des célèbres personnages de Peyo. Fiers, voire un peu chauvins, nous expliquons à notre guide l’origine « belge » de ces accoutrements. « Pas du tout, nous rétorque Armando, ce sont des costumes inspirés de ceux portés par nos lointains ancêtres pré-colombiens ! » Il faudra absolument en parler à Peyo dès notre retour au pays !




(Cimetière de Chauchilla,Nazca)


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Particulièrement intéressant, cet épisode. La voiture rouge, un vrai monument historique !
Les canaux d'irrigation souterrains : impressionnants pour une civilisation si ancienne.
La nécropole : un vrai décor de cinéma fantastique. Mais pas de photos des Schtroumpfs ?