29 septembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (8)

Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée longitudinale de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge, vélo et marche


Samedi 31 octobre (Chivay/Pérou)

Nous mettons à profit ces journées d’attente pour découvrir les environs, notamment la vallée de la Colca et Chivay. Un village perché à plus de 3600 m. d’altitude, situé à environ 140 kilomètres au nord d’Arequipa. On y accède par une route passablement défoncée à laquelle succède assez vite une piste chaotique et poussiéreuse.

Comme il n’y a de nouveau aucun espoir de trouver une place dans un bus en cette période de Toussaint nous risquons, pour la première fois de ce voyage, le « stop ».
Pas mal de camions, dit-on, partent du haut de la ville et acceptent à l’occasion, de charger l’un ou l’autre voyageur en rade.
Nous trouvons facilement un chauffeur complaisant qui nous invite à sauter dans la benne. Sept ou huit personnes y ont déjà pris place avant nous : deux familles, un militaire en permission et un brave vieil homme avec toutes ses provisions pour le mois : sacs d’oignons, farine, touries de vin, etc.…On se pousse dans la bonne humeur et nous voilà en route.
Les bruits du moteur, les gaz d’échappement et les secousses n’empêcheront en rien la conversation avec nos compagnons de voyage.

La plupart d’entre eux ont entendu parler de la Belgique, notamment à travers Eddy Merckx et surtout Jean-Marie Pfaff, gardien de but de notre équipe nationale. Il semble avoir marqué l’imagination des Péruviens lors du dernier « Mundial » à Mexico (86) et son titre de « Meilleur gardien de but de monde » décerné il y a quelques mois n’a visiblement échappé à personne !

J’avoue que cette conversation sur un sujet dont j’ignore tout me paraît surréaliste dans ce décor grandiose -presque inhumain- d’altiplano et de volcans.
C’est d’ailleurs au pied d’un de ceux-ci, le Misti, volcan aux fumerolles toujours inquiétantes, que notre véhicule va s’arrêter brutalement : un pneu vient de crever. Tout le monde descend. Certains vont se dégourdir les jambes, d’autres aideront le chauffeur à changer la roue.
Le vieil homme en profitera pour nous consulter et nous montrer son œil qui suinte d’un infâme liquide. « Cela dure depuis plus d’une semaine nous dit-il, n’avez vous rien pour me soulager un peu ? . Marie-Hélène ne trouve dans sa trousse qu’un flacon de gouttes contre la conjonctivite. Bien que nous doutions que ce remède soit adapté dans le cas présent, le vieux insiste pour qu’on lui en administre quelques gouttes dans son oeil malade. « Avec ça, je sens que ça va aller, s’exclame l’homme en repartant apaisé».

Nous avons repris la route de plus belle. L’altitude et la rareté de l’oxygène commencent à se faire sentir. Nous avons mal à la tête et la respiration devient malaisée. La nuit approche. Les rares points d’eau sont déjà couverts d’une fine pellicule de glace. Nous grelottons de tous nos membres. Sans rien dire, le soldat en permission va défaire son paquetage et en sortir une épaisse couverture qu’il posera sur nos jambes. Cela va un peu mieux.

Le soleil a presque disparu derrière les montagnes lorsque nous arrivons en vue d’une sorte de relais routier perdu dans l’immensité de la puna. Il s’agit d’une petite maison en terre séchée que rien ne distingue des autres, excepté une petite publicité pour une marque de bière locale, clouée au-dessus de la porte.
Nous nous y arrêtons le temps d’avaler un thé de coca bouillant et quelques biscuits secs, dernier réconfort avant d’arriver à Chivay, d’ici 2 ou 3 heures.

Il est environ 20h lorsque le camion s’arrêtera enfin sur la place du village. En ce moment, une panne d’électricité a plongé toute l’entité dans une obscurité complète. Curieusement, ce problème, n’affecte pas l’enthousiasme d’un groupe de musiciens qui tourne en rond sur la place en psalmodiant des mélopées en quechua tout en frappant frénétiquement sur d’énormes tambours.

Le seul établissement apparemment ouvert à cette heure est une épicerie faisant office de taverne et de restaurant. Nous nous y attablons à la lueur des bougies et d’une lampe à pétrole posée sur le comptoir.

Je ne sais si cela est dû à la relative obscurité de l’endroit ou aux ombres projetées par le rustique éclairage, mais la patronne de l’endroit semble immense. Enveloppée d’une épaisse manta et coiffée du traditionnel chapeau boule, elle s’est approchée de nous. Doucement, presque hiératique, sans un mot. Visage fin, yeux en amande et teint superbement cuivré, la commerçante nous propose son unique plat : une soupe à base de maïs.
Nous n’en demandons pas plus.

Au bout de quelques minutes, une fois habitués à la pénombre, nous apercevons dans un coin de la pièce une autre table. Deux hommes y sont occupés à vider méthodiquement leurs bières tout en observant avec une grande curiosité les moindres de nos gestes.

Nous trouvons une petite pension non loin de la place. L’hôtelier nous guidera à travers les méandres de son établissement à la lueur d’une bougie qu’il nous laissera pour la nuit. On ne saura trop à quoi ressemble cette chambre, mais tant pis, nous sommes trop fatigués par le voyage, et nous nous endormons aussitôt, sans même nous déshabiller, sur ces rudes paillasses que nous servent de lit.

Un sommeil relativement perturbé puisqu’en pleine nuit, nous sommes brutalement réveillés par des bruits -comme la démarche mal assurée d’un ivrogne heurtant les murs- et ensuite par de la lumière. Quelqu’un vient de tourner l’interrupteur et un éclairage pisseux inonde tout à coup notre chambre. D’un côté, cela signifie que le courant a été rétabli mais d’un autre, cela implique que quelqu’un est rentré dans la pièce. Or, nous ne voyons personne. Le temps de se frotter les yeux et de rassembler nos esprits, nous constatons que notre ampoule a été judicieusement placée dans une ouverture pratiquée dans la paroi séparant le couloir de la chambre. Un système économique permettant d’éclairer l’un et l’autre en même temps et avec une seule source de lumière! Chaque fois qu’un client rentrera et allumera dans le couloir, il allumera donc automatiquement dans notre chambre ! Ce à quoi l’électricien du cru n’avait peut-être pas pensé.

Dimanche 1er novembre

Journée complète dédiée à la randonnée « mixte » –à pied et en stop- jusque Yanque. Autre hameau de vallée de la Colca, perdu au milieu des cultures en terrasse et d’un paysage minéral tourmenté que survolent des condors indolents.
La marche est néanmoins rendue particulièrement pénible à cette altitude (près de 4000 mètres) et nous devons fréquemment marquer des arrêts pour reprendre notre souffle. Ce qui à l’air d’ amuser beaucoup un paysan. De sa bicyclette, il nous a fait un grand signe et nous a dépassé à toute allure dans cette côte abrupte qu’Eddy Merckx, au mieux de sa forme, n’aurait peut-être pu gravir avec autant d’aisance !
Retour en fin d’après-midi à Chivay, douche glaciale (il n’y a pas d’eau chaude) puis repos dans notre chambre dont l’ illumination restera tout au long de la nuit -et comme la veille- aussi aléatoire qu’intempestive. J’ai lu autrefois qu’il s’agissait là d’une technique de torture fort efficace que de réveiller les gens dès qu’ils s’endorment!

















(Yanque, vallée de la Colca)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'ai qu'une chose à dire : c'est toujours aussi bien !

Anonyme a dit…

Merci et à bientôt, Nuages!
Amicalement,

Bernard

Anonyme a dit…

tes photos... sont trop top ! merci !

Anonyme a dit…

Bonsoir Malouc et merci pour ton commentaire. Je découvre à l'instant ton blog que ne manque décidément ni de poésie, ni d'originalité. Je vais y revenir à mon aise dans les jours à venir!

Bernard