08 septembre, 2007

Lima-Rio en 80 jours (2)


Ce carnet rassemble des notes et des photos prises lors d’un voyage réalisé en 1987.Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une traversée longitudinale de l’Amérique latine ayant pris environ 3 mois (octobre, novembre, décembre) en utilisant les moyens de transports locaux les plus divers et surtout les moins coûteux : auto-stop, trains, bus, camions, barge,vélo et marche...



Vendredi 23 octobre. (Lima-Pisco/Pérou)

Le jour se lève sur Lima.
En fait, il serait plus juste de dire la grisaille. La grisaille et le désespoir.
Par la fenêtre on aperçoit des édifices misérables aux murs lépreux, des immondices jonchant le sol et des égouts refoulant leur trop plein de miasmes.
La nuit aura malgré tout été paisible et nos angoisses de la veille se sont un peu dissipées.
Nous abandonnons cependant l’idée de visiter Lima, envisagée avant notre départ : Trop de tristesse, de pauvreté, voire d’agressivité et de mépris. Du moins à l’égard des touristes.
En espérant que le « climat » soit plus serein en province, nous décidons d’entamer notre périple vers le sud en prévoyant de nous arrêter ça et là au gré des villages côtiers.
A la centrale des bus « Ormeño », où nous avons réservé nos places pour Pisco, nous sommes hélés par un gaillard à la mise singulière. Il s’agit d’un touriste australien, affalé sur le sol, l’air désespéré. Ses bagages, rassemblés autour de lui, ont été solidement arrimés aux passants de sa ceinture par d’épais filins d’acier. « Soyez prudents, nous dit-il, On a déjà tenté de me dévaliser trois fois cette semaine. Regardez à quoi j’en suis réduis, ajoute-t-il encore, en nous montrant le système un peu absurde qu’il a mis au point pour éviter les vols ! ».
Une fois dans le bus, l’ambiance est plus joyeuse et bon enfant.
Nous sommes installés à l’arrière du véhicule et échangeons quelques mots avec une famille assise à côté de nous. Nous partageons des bonbons et des cigarettes, les enfants s’installent sur nos genoux et les parents plaisantent. Ils s’amusent en voyant nos mines consternées lorsque nous traversons l’épouvantable banlieue liméniene et que nous essuyons les quolibets des passants lancés à notre attention à travers la vitre ouverte : Gringos par-ci, americanos par-là, etc…

(Dans les rues de Lima)

Lorsqu’ apparaît l’employé chargé du contrôle des billets, un petit vent de panique va de surcroît s’installer: Nous avons perdu nos tickets ! Nous avons beau retourner nos poches, ils sont introuvables.
L’employé joue un moment les préoccupés, mais d’humeur taquine, il se ravise aussitôt et nous lance : « Et bien, en compensation, vous me donnerez votre stylo, celui qui dépasse de votre poche….ainsi nous serons quittes ». La transaction effectuée le contrôleur repartira visiblement ravi de sa nouvelle acquisition.
A l’ extérieur, le paysage s’est rapidement modifié. Dès les faubourgs de la capitale dépassés, de larges bandes de sable apparaissent et préfigurent une région totalement désertique que nous n’allons pas tarder à traverser.
Le trajet est entrecoupé de plusieurs haltes (Chincha, Cañete,...). Des arrêts mis à profit par des nuées de petits vendeurs de sucreries et de « comestibles » . Fanta, Coca, Inca Cola, etc… que l’on doit s’empresser de boire au plus vite car les vidanges doivent être aussitôt récupérées. C’est un sport que d’ingurgiter ces boissons d’un trait d’autant que ces bouteilles ont une contenance d’ un demi-litre.


Nous arrivons dans la petite ville de Pisco après 4 heures de voyage. Ici, il fait bon vivre, semble-t-il : Rues aux bâtiments relativement bien entretenus, vaste place vivante et colorée -avec son marché quotidien- et, en son centre, une impressionnante statue équestre de San Martin. Il y a encore quelques hôtels au style vaguement colonial bordant le front de mer ainsi qu’une agréable promenade le long de l’océan. Une ambiance assez paisible et décontractée émane des lieux. Nous comptons rester ici 2 ou 3 jours. L’endroit est recommandé pour partir à la découverte des îles Ballestas, à quelques encablures de la ville.
Ce sera notre projet pour demain.


(Hôtel à Pisco)


Samedi 24 octobre

Levés à 7 heures, petit-déjeuner puis microbus jusqu’à l’embarcadère de Paracas d’où les propriétaires d’embarcations emmènent régulièrement les touristes vers les îles Ballestas. Un pêcheur accepte de nous embarquer moyennant quelques Intis (monnaie péruvienne)
L’excursion va durer environ 3 heures à bord d’une petite barque à moteur.
Nous sortons rapidement de la baie et passons d’abord en vue du fameux Candélabre. Une impressionnante œuvre rupestre gravée par les Paracas (entre –600 et –300 av. J.-C.) à flanc de dunes. On dit de ce dessin qu’il fut autrefois un point de repère utile pour les cap-horniers voguant vers les mers australes.

Les îles Ballestas apparaissent enfin. Il s’agit d’un sanctuaire pour la faune telle que loups de mer, manchots mais aussi cormorans, pélicans, pétrels, martins-pêcheurs dont ces petites îles sont littéralement surpeuplées.

Ce matin, le ballet des martins-pêcheurs est particulièrement impressionnant lorsque ceux-ci, tout autour de nous, piquent en vrille et s’enfoncent plusieurs mètres sous les flots pour attraper les poissons. Notre guide improvisé nous explique qu’une à deux fois par an, les îles sont accostées par des ouvriers venus de tous les coins de Pérou pour participer à la récolte du guano.
Pour l’instant les seuls locataires des lieux sont de volumineux lions de mers. Ils se prélassent au milieu de leur harem en poussant à l’occasion quelques gueulantes bien senties.
Pendant ce temps, quelques dauphins et manchots accomplissent des acrobaties autour de notre embarcation.

Retour à Pisco.

Deux gars nous ont « invité » dans un resto qu’il disent réputé pour sa cuisine typique. Au menu, un seul plat : tortue grillée (!), pommes-vapeur et salade. Pour l’apéro, pas d’alternative …du Pisco, évidemment. Outre le fait que nos deux lascars sont visiblement des rabatteurs au service du restaurateur, ceux-ci se montrent également pressant pour connaître l’ état de notre « fortune ». Si nous acceptions de changer nos dollars avec eux, disent-ils, nous obtiendrions bien plus de monnaies locales que dans une banque dûment accréditée. Nous refusons…et les deux « cambistes » de disparaître aussitôt en grommelant quelques insultes.

Passons une partie de l’après-midi et de la soirée à parcourir la petite ville et à nous perdre dans le dédale des échoppes du marché. Nous nous faisons tirer le portrait –au pied de la statue de San Martin- par un photographe au procédé rustique : vieille chambre technique en bois et développement sur place dans une boîte à l’abri de la lumière. Le résultat est un peu pâlot, mais ça fonctionne.

(Photographe à Pisco)


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et voilà, le voyage démarre pour de bon. Récit très attachant. Ma photo préférée de cet épisode : la petite voiture noire isolée dans les montagnes douces et ocres, roses.