04 octobre, 2006

Cordillère 2006 -De part et d'autre...- (épisode 2)



Lundi 3 juillet

Flâneries dans Chañaral.

Nous nous faisons confirmer par téléphone au « Ferrocariles de Antofagasta a Bolivia » -FCAB en abrégé- l’existence du train reliant Calama à Uyuni en Bolivie et réservons aussitôt trois billets de bus pour atteindre Calama demain matin.
Continuons notre visite de Chañaral et son front de mer, désert en cette saison. Il semble de toute manière que, même en été, la plage ne soit pas très fréquentable en raison de la pollution de l’eau. Les mines de cuivre des environs déverseraient à cet endroit des quantités importantes de produits toxiques.
(chanaral plage)
En fin d’après –midi, nous prenons un pisco-sour dans ce joli bar en forme de rotonde faisant face à la mer. Le soleil amorce le couchant. A l’horizon : lumière pourpre et fruitée traversée par des escadrilles de mouettes et de pélicans en formation serrée.
La TV, au dessus du comptoir, diffuse une série romantique entrecoupée de publicités pour de la poudre à lessiver.
(chanaral)

Pablo a rendez-vous à 17h30 au petit skate-park de l’endroit. Il y a rencontré la veille un garçon passionné comme lui de skate-board. Nous l’attendrons jusque 18h. En vain. Pablo est déçu.

Prenons un micro jusqu’à la Caleta où nous souperons ce soir, et de nouveau, d’un congre grillé, accompagné cette fois de riz et d’un assortiment de salade. Ce qui ne change pas grand chose au repas de la veille. Nous sommes seuls dans le restaurant face à l’océan. Au loin, quelques pêcheurs ont jeté l’hameçon. Sans grande conviction semble-t-il. Les pélicans sont de redoutables concurrents.
Bientôt l’obscurité va envelopper les contours de la jetée . Nous rentrons avec un « micro » dont le chauffeur est le père de la serveuse.





(chanaral)

Mardi 4 juillet


Levés de bon matin.
La journée s’annonce ensoleillée. Don Willy a déjà préparé le petit déjeuner. Le bus de la Flota Barrios vers Calama démarre à 8h45 précises.
Un voyage d’environ 8 heures à travers le désert le plus aride du monde. La température extérieure atteindra rapidement 30°.
Une seule halte de quelques instants est prévue à Antofagasta.

Arrivés à Calama en fin d’après-midi.
(calama)

Nous trouvons un petit hôtel assez proche du centre, calle Abaroa. Il s’agit de l’hôtel Loa, du nom de la rivière traversant la région. Notre chambre n’est guère très grande : à peine peut-elle contenir les trois lits. Elle ne dispose que d’une seule fenêtre donnant sur un débarras à ciel ouvert, probablement celui de la femme d’ouvrage. Il y a cependant une télévision et Pablo tombe sur émission sportive consacrée au skate-board.
(calama,compteurs électriques)

Nous cherchons quelques temps un resto valable pas trop loin de la place. Ce sera finalement le « Regalòn » (le « gros cadeau ») qui trouvera grâce à nos yeux. La particularité de cet établissement est que l’on n’y sert ni bière, ni vin, faute de patente. Seules des boissons gazeuses sucrées, dont les écoeurants Bilz et Paps, accompagnent les mets. Nous demanderons une autorisation spéciale pour pouvoir acheter à l’extérieur un carton de vin et le consommer en prenant notre repas ici. Ce que la jeune et timide serveuse, sans doute Bolivienne, nous accorde volontiers. Le repas ne sera pas extraordinaire mais occupera néanmoins l’estomac jusqu’au lendemain.
(calama)

De retour à l’ hôtel nous faisons la connaissance d’un couple de retraités italiens. Ils sont originaires de Palerme. En fait de couple, nous ne rencontrons que l’homme, d’allure distinguée certes mais plutôt désemparée. Son épouse semble souffrir d’une sérieuse bronchite contractée dès son arrivée dans la ville minière. Nous l’entendons d’ailleurs cracher ses poumons dans la chambre voisine. Un médecin a promis de l’ausculter dans la soirée sans toutefois préciser à quelle heure. Marie-Hélène propose de lui préparer un thé. Le pauvre mari accepte avec plaisir. Dans la foulée, nous nous en préparons chacun un et le buvons avant de nous engouffrer dans notre lit. La nuit est fraîche et supportons aisément les trois couvertures fournies d’office. Au milieu de la nuit, nous entendrons retentir la sonnerie d’entrée. Il s’agit vraisemblablement du médecin venu ausculter la malheureuse palermitaine.
(calama)

Mercredi 5 juillet

Préparatifs pour le départ de ce soir vers Uyuni en Bolivie.

Nous passons une partie de la journée à sillonner les rues de la ville tristounette et découvrons une aire de skate-board flambant neuve bien que totalement déserte.
(calama, skate-park)

Les portes de la gare ouvrent à 21h30. Peu à peu, les rares voyageurs à destination d’Uyuni prennent place dans la salle des pas perdus. Nous faisons la connaissance de nos futurs compagnons de voyage. Il y a là 3 Sud-Africains (deux garçons de 14 et 17 ans accompagnés de leur père), 2 Californiennes végétariennes, un couple de quadragénaires danois dont l’homme arbore un vrai profil de viking. Il y a encore deux étudiants français (une fille de Lyon et un garçon de Paris) et enfin, deux touristes chiliennes et une Bolivienne de retour au pays.




(en gare de Calama)

Le train rentre en gare à l’heure dite et nous y prenons place à 23h. Chacun s’installe alors pour un trajet particulièrement long et de surcroît, très froid. D’autant plus froid qu’il n’y a pas de chauffage dans cet unique wagon réservé aux voyageurs.
Les 25 autres voitures, réservées au transport de marchandises sont pour l’instant vides. Un employé des chemins de fer nous explique que ces wagons seront remplis de minerais en Bolivie et prendront le chemin inverse lundi prochain.
Le convoi s’ébranle.
Dès le départ nous comprenons que nous serons bien secoués sur nos rudes banquettes de moleskine.
Nous parviendrons toutefois à trouver le sommeil, bien abrités dans nos sacs de couchage et après avoir enfilés tout ce que nous comptions de pulls, bonnets de laine et moufles.
Durant toute la nuit, le plus jeune des deux garçons sud-africains sera malade, de même qu’une des deux californiennes végétariennes. Bien que l’ascension du train vers les hauts plateaux soit progressive, nous atteindrons malgré tout et assez rapidement l’altitude de 3600 mètres. Dès lors, les effets de la soroche – mal de l’altitude- peuvent déjà être très gênants (palpitations, migraines, vomissements, etc…)





(le jour se lève à Ollague)

Jeudi 6 juillet

Toujours à bord du train de la FCAB.





(Ollague)

Le soleil apparaît vers 7 heures et découvre un impressionnant décor d’Altiplano avec, dans le lointain de massives silhouettes de volcans dont certains dégagent de légères fumerolles.
Le train s’arrête une première fois au poste frontière chilien de Ollague. Nous y patienterons jusque 8 heures, moment de l’ouverture de la douane, avant de poursuivre notre route. Nous sortons tous du wagon pour nous dégourdir les jambes et surtout s’immerger un tant soit peu dans ce paysage hors normes. Le village d’Ollague est lilliputien (environ 200 habitants) et en dépit de la modeste gare, du poste frontière et de la petite infrastructure ferroviaire, on se demande quels sont les moyens de subsistance des autochtones. Une paysanne m’informe que l’agriculture a, contre toutes attentes, ici une place importante -culture de pommes de terre et de quinoa- tout en me montrant le lointain, aride et caillouteux, elle ajoute qu’elle est précisément en train de se rendre sur l’ un de ses terrains.

A présent la température devient peu à peu supportable. Durant la nuit, du moins en cette saison, il est fréquent que le mercure flirte avec les - 20° !

(Ollague)

Une fois les formalités douanières chiliennes accomplies, chacun regagne le wagon pour un trajet d’une quinzaine de kilomètres à peine. Là, le convoi s’arrête de nouveau. Cette fois il s’agit de s’acquitter des formalités douanières boliviennes. L’administration locale se situe également dans un infime hameau nommé Abaroa. Même ambiance, même solitude, même lumière aveuglante. Il y a peut-être ici une vingtaine de maisons en adobe chaulé et une école fréquentée par une demi-douzaine d’enfants.
Une des maisons fait office de relais pour les voyageurs.
Nous y buvons un maté de coca revigorant.
A l’extérieur, sur une corde à linge, des morceaux de viande de lama ont été mis à boucaner. Un peu plus loin, un homme et ses fils tentent de faire redémarrer le moteur d’une moto cabossée.

Le train mettra de longues heures avant de reprendre sa route. Il faut attendre l’arrivée d’une locomotive bolivienne qui doit prendre le relais.
A la question de savoir à quelle heure arrivera cette providentielle machine, les employés des chemins de fer se perdent en conjecture : dans 1 heure, peut-être 2 ou 3, voire 4 heures ! Peut importe. Tout le monde a compris que l’on est dans une dimension où le temps n’a plus cours. Une dimension minérale où chacun ne peut s’en remettre qu’à la Pachamama, aux éléments, au vent de la puna. En attendant, le petit groupe que nous formons avec les autres voyageurs s’éparpille au hasard de la plaine sans fin. Certains n’en auront pas la force et se coucheront à même le sol, histoire de reprendre un peu de souffle.

La locomotive bolivienne arrivera aux environs de 14 heures et le reste du trajet jusqu’à destination prendra encore une demi-douzaine d’heures à travers un désert parfait entrecoupé de lacs salés et de maigres rios. Nous atteignons Uyuni vers 20 heures. La nuit est tombée et il fait excessivement froid. Nous n’allons pas trop loin pour chercher un refuge. La pension « Avenida », située pratiquement face à la gare dans la bien nommée avenue du Chemin de Fer, fera l’affaire. La patronne est une Aymara acariâtre et peu loquace. Elle gère son établissement avec sa vieille mère et l’aide de quelques employées quasiment mutiques. Parlent-t-elles espagnol ?
La chambre que nous louons est vraisemblablement à l’image de toutes les autres dans la région : non chauffée ! Heureusement chaque lit dispose d’un important lot de couvertures.
Le restaurant où nous prendrons le repas ne sera pas chauffé non plus. Qu’importe, nous garderons nos pulls, veste coupe-vent et tout le reste pour déguster le morceau de viande et les frites (assez grasses) que le patron de l’ établissement aura préparé en ne perdant rien des dessins animés diffusés par la chaîne locale. Le vin bolivien, très froid également, ne vaudra pas la peine que l’on en parle.
(Uyuni)

Vendredi 7 juillet

Après une nuit glaciale (l’eau des tonneaux, à l’extérieur, est recouverte d’une épaisse couche de glace) nous nous risquons à prendre une douche. Le système sanitaire dit « brésilien » en vigueur ici (la résistance électrique est logée dans le pommeau de douche) fonctionne modérément et l’eau s’en retrouve à peine tiédie. Ce n’est pas aujourd’hui que nous nous attarderons en longues ablutions.
Après le déjeuner, nous réservons 3 places pour une excursion en 4x4 dans la région et tout particulièrement au fameux salar d’Uyuni, but de ce séjour en Bolivie. L’agence Esmeralda, installée juste à côté de notre pension, propose le même itinéraire que les 61 autres agences de la localité. Nous ne nous attarderons donc pas à faire jouer la concurrence, d’autant que les tarifs pratiqués ailleurs sont, dit-on, pratiquement les mêmes.

L’ excursion proposée consiste en un circuit de 3 jours parcourant les sites les plus extraordinaires de l’endroit : le Salar d’Uyuni –évidemment-, La Isla del Pescado, la Laguna Colorada, la Laguna Verde, les Geysers, les Thermes, l’Arbol de Piedra , la Valle de las Rocas, etc….
Un tour couvrant près de 900 kilomètres dont le coût est de 65 USD par personne. Le logement et les repas étant inclus. Nous concluons l’affaire et prenons rendez-vous le lendemain à 10h30 face à l’agence pour le départ de l’excursion.
Nous consacrerons le reste de la journée à explorer la petite ville d’Uyuni qui fête par ailleurs cette semaine son 172e anniversaire.
(Uyuni)
Pour l’occasion, les militaires de la caserne toute proche organisent une petite exposition en plein-air. Cette manifestation, précise un jeune conscrit, vise à conscientiser la population aux respects des Droits de l’Homme, dans le monde, en Bolivie et au sein de l’armée. Des panneaux didactiques sont disposés sur l’ensemble de la place principale de la ville et les miliciens les commentent à tour de rôle sur un ton martial devant un maigre public.

Même sous le soleil, Uyuni en ce mois de juillet, reste une ville assez fraîche. Hormis entre 11h et 16h, moment où la température est la plus acceptable, le thermomètre affiche régulièrement des chiffres négatifs.

Sans doute est-ce pour réchauffer l’atmosphère que la plupart des commerçants diffusent de la musique –essentiellement des cumbias- à l’attention des passants : « Vamonos vamonos cholita, vamonos, vamonos a bailar,… « (succès du moment).

L’après-midi, nous irons nous balader en dehors du centre . A 2 kilomètres, après avoir traversés une « banlieue » pauvriteuse jonchée d’ordures, gît un curieux cimetière de locomotives et autres machines ferroviaires déclassées depuis des lustres. Ambiance surréaliste et quelque peu inquiétante que ces squelettes d’acier reposant dans l’austère solitude de l’altiplano. Etrange décor aussi que ces wagons déchiquetés abritant, comme le laisse supposer les graffitis, les amours débutantes.




Nous passons la soirée chez Don Oscar –restaurant dont le serveur ne quittera jamais sa casquette de trappeur- en compagnie de Farid et… ?, le couple de Français rencontré dans le train la veille. Farid poursuit des études d’astro-physique à Santiago et, à ce titre, s’est rendu à plusieurs reprises au célèbre observatoire de la Silla (près de la Serena) pour y travailler. Son amie fait Science-Po. Dans le cadre de ses études, elle est venue accomplir un stage dans la rédaction d’ un journal chilien (« 7 Dias »). Journal qui, nous dit-elle, a par ailleurs fait faillite pendant la période de son stage. Nous nous amusons à la taquiner en lui suggérant qu’elle est peut-être la cause de cette faillite !









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