19 octobre, 2006

Cordillère 2006 -De part et d'autre...- (épisode 9)




Mercredi 26 juillet

Trajet Calama-Antofagasta à bord d’un bus de la Pullman.
Un long tronçon de désert grisâtre.
Le ciel est partiellement couvert.
Le bus prend approximativement 3 heures pour atteindre sa destination.
(antofagasta)

Antofagasta est une ville toute étroite bordée par l’Océan et limitée à l’est par d’impressionnantes dunes aux flancs desquelles s’accrochent de misérables maisonnettes.
Les rues en ce début d’après-midi sont peu animées et les commerces, pour la plupart fermés en cette heure de sieste.
Selon la technique désormais éprouvée, nous nous rendons sur la place principale (Plaza Colòn) pour y déposer armes et bagages et l’un de nous s’en va, les mains libres, à la recherche d’un logement décent.
Marie-Hélène dégotte assez rapidement un petit hôtel calle Latorre (le Dinasaquan ?).
L’endroit est propre. La chambre, quant à elle, parvient à peine à contenir un lit d’une personne et un autre de 2.
Il y a encore une télévision et un coin douche. Nous ne sommes qu’à deux pâtés de maisons du terminal Pulmann où nous devrons prendre après-demain le bus vers Santiago.
Tout cela devra convenir pour une nuit.
Partons à la découverte des environs sans grand enthousiasme, surtout après avoir consulté l’employée de l’office du tourisme local.
(antofagasta)

A la question de savoir ce qu’il est possible de visiter en une journée, celle-ci nous répond, après un long moment de réflexion, qu’ il y a bien quelques musées dans le centre et qu’actuellement, se tient une exposition d’art arabe dans le quartier. « Mis à part cela, ajoute la fonctionnaire, il reste encore la promenade le long de la digue ». « Et… y-a-t-il des restaurants en bord de mer ? s’enquiert Marie-Hélène ? » « Pas à ma connaissance, Madame, pas à ma connaissance ! ».
Nous opterons finalement pour la promenade sur la digue.
(antofagasta)

Une digue que nous n’atteindrons qu’après avoir longé des installations portuaires et des chantiers sans fin. Tout le long de l’avenue côtière s’alignent de nombreux immeubles de construction assez récente : des hôtels de luxe, des sièges d’entreprises, des buildings à appartements comportant « tout le confort moderne », comme l’indiquent les publicités placées aux fenêtres des appartements témoins.
(antofagasta,murales)

Sur la digue piétonnière déambulent calmement des promeneurs, des cyclistes et des jeunes en rollers ou en skate. L’endroit est idéal pour Pablo. C’est là qu’il s’entraînera un bon moment à la lumière d’un pâle soleil couchant.

Regagnons le centre à la nuit tombée et découvrons une grande place en forme d’amphithéâtre. Un beau et vaste marché couvert la surplombe. Pour un peu, on prendrait le bâtiment pour un opéra. Mais à l’intérieur, ceux qui s’activent sont des marchands de poissons, de viandes ou de légumes.

(antofagasta, le marché couvert)

Il y a également quelques estaminets où l’on peut se restaurer pour un prix modique. Nous choisissons l’un d’entre eux, décoré comme un musée, pour le repas du soir.
Les murs sont ornés d’anciennes photos d’Antofagasta du temps de sa splendeur. Dans un coin repose une cuisinière en fonte datant probablement de l’époque de la ruée vers le nitrate et un peu partout sont exposés des objets récupérés de bateaux de pêche : des boussoles, des cartes, des filets, des hublots, etc…

Sur le chemin du retour, nous flânerons encore un moment sur la place devenue entre-temps bien animée. Un boys-band latino baptisé « Los Amantes » susurrent des romances sirupeuses devant un parterre de collégiennes en uniforme et bas blancs.
Plus loin, un chanteur à la mise post soixante-huitarde reprend les grands classiques de Victor Jara avec sensibilité et émotion. Dans les rues adjacentes, des bonimenteurs de toutes sortes accaparent l’attention des chalands et des artisans attendent l’acheteur. Sur le sol, au milieu de la rue piétonne, un jeune homme dessinent à la craie le portrait de Mickey.

(antofagasta,kiosque à journaux)

Retour à l’hôtel.

A cet instant précis, une soirée dansante commence dans le café attenant à la pension. Salsas et cumbias tonitruantes vont s’enchaîner jusque 4 heures du matin. Nous trouvons difficilement le sommeil, même avec les boules « Quies ».

Jeudi 27 juillet

La matinée sera consacrée à la visite d’un haut lieu touristique de la région : La fameuse Portada. Située à une quinzaine de kilomètres au nord d’Antofagasta, cet îlot rocheux a, comme son nom l’indique, adopté la forme d’un gigantesque portail ouvert sur l’océan. Accessoirement, ce monument naturel se trouve aussi situé à hauteur du Tropique du Capricorne.

(antofagasta, la portada)

Nous longeons un moment la côte, véritable prolongement du désert, sans pouvoir néanmoins nous approcher du rivage. De profondes et friables falaises en empêchent l’accès. Des panneaux confirment d’ailleurs le danger en interdisant formellement la descente vers la plage. Nous resterons donc là, à distance respectable, à profiter du soleil, du bon air et à faire les fous dans les hautes dunes avec Pablo.

Après-midi « historico-culturelle » avec un parcours dans le très petit quartier historique de la ville incluant en tout et pour tout, l’ancienne douane bolivienne, l’antique gare de la FCAB (Chemin de Fer d’Antofagasta a Bolivia) et le môle, assez décrépi, d’où étaient expédiés par bateau les minerais (argent, nitrates, etc…) en provenance, notamment, de Bolivie.

(antofagasta, la vieille douane et le môle abandonné)

Tout en étant fort restreint, cet ensemble architectural est néanmoins intéressant et révélateur du passé prospère de cette cité du grand nord chilien.
En matière de prospérité, Antofagasta semble rester aujourd’hui encore le terrain de jeux privilégié de certains gros investisseurs, de sociétés multinationales et autres grands holding financiers. Au hasard des enseignes que l’on croise en chemin, on peut remarquer la présence de Caterpilar, Ing, Clear Channel, Legrand, ainsi qu’une multitude d’entreprises spécialisées dans l’ingénierie et la machinerie minière. Enfin, dans la grande banlieue, quasiment en bord de mer, s’alignent des ensembles d’habitations parfaitement emmurées (sans doute réservées aux cadres des entreprises nommées plus haut) et contrôlées par des sociétés de gardiennage. Cette impression de prospérité doit cependant être relativisée au regard de la misère dans laquelle se trouve visiblement plongée une grande partie des habitants de la ville. Ceux dont les bicoques s’accrochent désespérément aux flancs de dunes à la limite de l’effondrement.
(antofagasta)

Nous passons le reste de l’après-midi le long de la digue et prenons une collation au marché couvert.
Ce soir, un grand trajet en bus nous attend de nouveau. Direction : Santiago. Un voyage d’environ 16 heures que nous passerons cette fois dans un Pullman « Salon Cama » un peu plus coûteux que les bus traditionnels mais plus confortable avec leurs sièges plus larges et inclinables.

Vendredi 28 juillet

Arrivons à Santiago vers 12h30. Le ciel est bien dégagé, pour autant qu’il puisse l’être dans cette capitale toujours très polluée, et la température relativement agréable (15/16°), du moins si l’on compare avec les jours précédents. Santiago a en effet connu ces derniers temps une météo épouvantable ainsi que des précipitations très importantes. Dans le sud du pays, plusieurs personnes ont d’ailleurs perdu la vie dans les crues inattendues de certains cours d’eau.

(santiago, hôtel victoria simpson)

Nous nous rendons tout d’abord à l’Hôtel Casa Grande (Av. Vicuña Mc Kenna) où nous avions réservé la veille une chambre par téléphone. Dès notre arrivée, un employé de l’hôtel nous informe qu’un problème est intervenu entre-temps. Suite à l’organisation d’un congrès de médecins à l’université, toutes les chambres ont été réservées et nous ne pourront de ce fait être hébergé pour les nuits à venir. L’hôtelier trouvera néanmoins un arrangement avec un confrère de l’hôtel voisin (Hôtel Victoria Simpson, calle Almirante Simpson) où nous sommes aussitôt conduits.
Situé au fond d’une étroite venelle sans issue, le bâtiment de 2 étages avec balcon ne manque pas de charme. Du moins au rez-de-chaussée. Dans le hall d’accueil le mobilier et les boiseries sentent bon l’encaustique. Les fauteuils sont profonds, la lumière est tamisée et une musique douce baigne ces lieux au charme désuet.
Accomplissons les formalités d’entrée puis gagnons notre chambre au premier étage. Une chambre dont la fenêtre donne sur la venelle et son unique arbre chétif. Nous disposons d’un coin – toilette et d’une douche. Douche dont nous aurons une fois encore toutes les difficultés d’obtenir un jet d’une chaleur acceptable. La plomberie reste définitivement un métier d’avenir dans ce pays.



Malgré la fatigue d’un long voyage en bus, nous nous remettons aussitôt en route à travers la rue de cette capitale que nous aimons chaque fois un peu plus.

Après quelques heures de flâneries nous aboutissons en début de soirée à l’ Union. Un restaurant populaire de la calle Nueva York que notre ami Jean-Marie nous avait fait connaître il y a 4 ans. Dans cet établissement, le temps s’est arrêté depuis longtemps. Le personnel, le mobilier et la décoration ne semblent pas avoir subi de modification depuis au moins une trentaine d’années.
Il y a d’abord, dès l’entrée à gauche, ce très long bar où employés et fonctionnaires s’incrustent pour de longues heures une fois leur journée terminée. Là, la bière, la sangria et le vin coulent à flots. L’atmosphère est bruyante, joyeuse et enfumée. Plus loin, dans le fond, on trouve enfin la partie « restaurant ». Des petites tables, que l’on rapproche ou sépare au gré des affinités du moment accueillent les clients affamés.
La nourriture est simple mais consistante. Sur la carte, on peut lire, en vrac : côtelettes-frites-salade, congre-purée, pastel de choclo ou humitas, pizzas ou spaghetti. En guise d’apéritif, les flacons d’un litre de sangria semble avoir la cote. Les garçons, pour la plupart quinquagénaires, virevoltent au milieu de ce tohu-bohu en souplesse, veste blanche et flegme quasi britannique.
Au murs, de singulières reproductions de dessins représentent des chiens jouant au billard.

Retour à l’hôtel et nuit tranquille.





1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un petit passage... en ayant lu plus en détail tes textes récents, qui me rappellent des souvenirs (notamment les douaniers chiliens tatillons, à l'affût de n'importe quelle matière organique, dans leur obsession anti-contamination, et brusques dans leurs paroles...).
J'aimerais bien retourner en Amérique latine ;o)